15 août 2010

Orange Mécanique


Titre original : A Clockwork Orange
Réalisateur : Stanley Kubrick
Avec : Malcolm McDowell, Patrick Magee, Warren Clarke, Aubrey Morris...
Date de sortie : 1971
Pays : Angleterre
Note : ♥♥♥♥

Il est très difficile de classer Orange Mécanique dans une catégorie. Mi-thriller, mi-drame, mi-comédie, mi-satire sociale, le film est un ovni inclassable...

Il s'agit d'une adaptation du roman du même nom d'Anthony Burgess, paru en 1962 au Royaume-Uni. Le texte figurant sur l'affiche anglaise du film (voir ci-dessus) résume assez bien l'histoire : Alex (Malcolm McDowell) est un jeune homme (il avait 16 ans dans le roman, et a 26 ans chez Kubrick) amoral et violent, qui vole, viole et tue rien que pour le plaisir, dans une Angleterre vaguement futuriste. Accompagné de ses trois "droogs" (comprenez complices, dans le langage unique utilisé par Alex !), il occupe ses nuits à terroriser la population où à tabasser les membres de gangs rivaux, avant de terminer la soirée au Korova Milkbar, où lui et ses acolytes boivent du lait mélangé à des drogues.

Un jour, il est arrêté par la police et mis en prison. On lui propose d'expérimenter un tout nouveau traitement, le traitement Ludovico, qui vise à guérir un individu de toute envie de violence ou de méchanceté. Dans l'espoir d'échapper à la prison, Alex accepte, et devient alors le cobaye d'une équipe de médecins décidés à faire de lui un homme pacifique et incapable d'user de violence...

Le film a une structure symétrique, divisé en trois parties. La première nous montre un Alex méchant et fier de l'être, capable des pires atrocités. La seconde, la partie centrale et le tournant de l'histoire, nous montre le séjour d'Alex en prison puis le traitement Ludovico. La troisième, enfin, est le miroir de la première : nous suivons à nouveau Alex dans les rues de Londres, mais de coupable, il est devenu victime ; incapable de se montrer agressif ou violent, il est attaqué par toutes ses anciennes victimes, avides de vengeance...

Dans Orange Mécanique, Kubrick instaure un rapport particulier entre le spectateur et les personnages. Nous sommes constamment pris à témoin par Alex, qui s'adresse à nous directement ("Ô mes frères et seuls amis", dit-il) et nous pousse à épouser son point de vue, soit une vision très subjective des événements. Souvent, Alex tourne son regard vers la caméra, nous regarde droit dans les yeux, nous incluant littéralement dans la scène.

Parfois, le spectateur devient non seulement témoin mais voyeur - et c'est ça qui rend certaines séquences du film si dures à regarder. Par exemple, cette scène - devenue culte - où Alex et ses droogs s'introduisent dans la maison d'un écrivain et de sa femme, tabassent le premier et violent brutalement la seconde... Juste avant de passer à l'acte avec la femme, Alex (son pantalon déjà baissé et un gossier masque de Comedia dell'Arte sur le visage) s'agenouille devant la caméra, posée au sol, nous regarde et nous dit : "Viddy well, little brother. Viddy well." ( = "Regarde bien, petit frère. Regarde bien.") On nous pousse à assister à ce qu'on a pas envie de voir ; on ne nous laisse pas le choix, et cela rend la séquence très malsaine.

Le plus troublant dans le film, c'est sans doute le rapport qui, au final, résulte de cette confrontation spectateur/personnage. Parce que même si le jeune Alex est un anti-héros au comportement parfaitement abject et non excusable (il n'y a aucune motivation derrière ses actes, jamais)... on finit par s'y attacher, à effectivement se ranger de son côté, et à vraiment le plaindre lorsque, vers la fin, il devient victime et paye pour ses crimes passés...

Kubrick explique cet attachement par le fait que au fond de nous, chacun possède une part d'Alex, une part de violence et de cruauté, et qu'ainsi, on s'identifie au personnage... Est-ce la bonne explication ? Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que plus je regarde Orange Mécanique, plus j'adore Alex. C'est grave, docteur ?

Côté casting, tous les comédiens sont excellents, depuis le quasi-inconnu Malcolm McDowell (qui avait joué dans If, de Lindsay Anderson, trois ans plus tôt) jusqu'à l'écrivain psychopathe, incarné par un Patrick Magee effrayant. L'ambiance et les décors du film, tout en se voulant légèrement futuristes, restent typiquement seventies, avec leurs couleurs pop, leurs motifs et leurs meubles arrondis, les mini-jupes et les cols "pelle à tarte"... Visuellement, le film représente parfaitement son époque.

Orange Mécanique
a fait en scandale à sa sortie à cause de certaines scènes ultra-violentes (qui n'ont absolument pas vieilli presque 40 ans après) et de scènes de sexe explicites. Le film a été censuré dans tous les cinémas britanniques jusqu'en... 2001 ! Kubrick a une façon "voyeuriste" de filmer la violence qui choque toujours autant. La séquence où Alex tabasse allègrement le vieil écrivain tout en portant un masque de théâtre et en chantant et dansant Singin' In The Rain est devenue une scène d'anthologie.

Pour terminer, le film soulève aussi un certain nombre de questions philosophiques et éthiques, dans la mesure où il montre  - et dénonce - les séquelles entraînées par le fameux traitement Ludovico ; une fois "soigné", Alex n'est plus violent, certes, mais il n'est par conséquent plus libre. Un individu dont le comportement st conditionné est-il encore un homme ? L'expérience sont Alex est victime s'avère être mise en place à des fins politiques, et la deuxième moitié du film  devient alors une lutte entre les défeuseurs du traitement (les politiciens clamant que celui-ci réduit la criminalité) et ses détracteurs (ceux qui considèrent qu'Alex n'est plus lui-même, mais une machine programmée - d'où le titre...). Le film est également une satire sociale.

Comme tous les films de Stanley Kubrick, Orange Mécanique est un chef-d'œ
uvre, un film avant-gardiste et dérangeant qui n'a pas pris une ride et est toujours considéré comme l'un des piliers du cinéma... À voir absolument !

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