15 août 2010

Avis à tous !

Chers amis, ô my droogies,

Je prends quelques petites vacances jusqu'au 30 août inclus. Je ne pense pas que j'aurai Internet là où je vais, du coup, je ne suis pas sûre de pouvoir poster ma critique quotidienne... On se retrouve donc début septembre !

À bientôt, bonnes vacances à ceux qui en ont ! (et... regardez des films !).

Orange Mécanique


Titre original : A Clockwork Orange
Réalisateur : Stanley Kubrick
Avec : Malcolm McDowell, Patrick Magee, Warren Clarke, Aubrey Morris...
Date de sortie : 1971
Pays : Angleterre
Note : ♥♥♥♥

Il est très difficile de classer Orange Mécanique dans une catégorie. Mi-thriller, mi-drame, mi-comédie, mi-satire sociale, le film est un ovni inclassable...

Il s'agit d'une adaptation du roman du même nom d'Anthony Burgess, paru en 1962 au Royaume-Uni. Le texte figurant sur l'affiche anglaise du film (voir ci-dessus) résume assez bien l'histoire : Alex (Malcolm McDowell) est un jeune homme (il avait 16 ans dans le roman, et a 26 ans chez Kubrick) amoral et violent, qui vole, viole et tue rien que pour le plaisir, dans une Angleterre vaguement futuriste. Accompagné de ses trois "droogs" (comprenez complices, dans le langage unique utilisé par Alex !), il occupe ses nuits à terroriser la population où à tabasser les membres de gangs rivaux, avant de terminer la soirée au Korova Milkbar, où lui et ses acolytes boivent du lait mélangé à des drogues.

Un jour, il est arrêté par la police et mis en prison. On lui propose d'expérimenter un tout nouveau traitement, le traitement Ludovico, qui vise à guérir un individu de toute envie de violence ou de méchanceté. Dans l'espoir d'échapper à la prison, Alex accepte, et devient alors le cobaye d'une équipe de médecins décidés à faire de lui un homme pacifique et incapable d'user de violence...

Le film a une structure symétrique, divisé en trois parties. La première nous montre un Alex méchant et fier de l'être, capable des pires atrocités. La seconde, la partie centrale et le tournant de l'histoire, nous montre le séjour d'Alex en prison puis le traitement Ludovico. La troisième, enfin, est le miroir de la première : nous suivons à nouveau Alex dans les rues de Londres, mais de coupable, il est devenu victime ; incapable de se montrer agressif ou violent, il est attaqué par toutes ses anciennes victimes, avides de vengeance...

Dans Orange Mécanique, Kubrick instaure un rapport particulier entre le spectateur et les personnages. Nous sommes constamment pris à témoin par Alex, qui s'adresse à nous directement ("Ô mes frères et seuls amis", dit-il) et nous pousse à épouser son point de vue, soit une vision très subjective des événements. Souvent, Alex tourne son regard vers la caméra, nous regarde droit dans les yeux, nous incluant littéralement dans la scène.

Parfois, le spectateur devient non seulement témoin mais voyeur - et c'est ça qui rend certaines séquences du film si dures à regarder. Par exemple, cette scène - devenue culte - où Alex et ses droogs s'introduisent dans la maison d'un écrivain et de sa femme, tabassent le premier et violent brutalement la seconde... Juste avant de passer à l'acte avec la femme, Alex (son pantalon déjà baissé et un gossier masque de Comedia dell'Arte sur le visage) s'agenouille devant la caméra, posée au sol, nous regarde et nous dit : "Viddy well, little brother. Viddy well." ( = "Regarde bien, petit frère. Regarde bien.") On nous pousse à assister à ce qu'on a pas envie de voir ; on ne nous laisse pas le choix, et cela rend la séquence très malsaine.

Le plus troublant dans le film, c'est sans doute le rapport qui, au final, résulte de cette confrontation spectateur/personnage. Parce que même si le jeune Alex est un anti-héros au comportement parfaitement abject et non excusable (il n'y a aucune motivation derrière ses actes, jamais)... on finit par s'y attacher, à effectivement se ranger de son côté, et à vraiment le plaindre lorsque, vers la fin, il devient victime et paye pour ses crimes passés...

Kubrick explique cet attachement par le fait que au fond de nous, chacun possède une part d'Alex, une part de violence et de cruauté, et qu'ainsi, on s'identifie au personnage... Est-ce la bonne explication ? Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que plus je regarde Orange Mécanique, plus j'adore Alex. C'est grave, docteur ?

Côté casting, tous les comédiens sont excellents, depuis le quasi-inconnu Malcolm McDowell (qui avait joué dans If, de Lindsay Anderson, trois ans plus tôt) jusqu'à l'écrivain psychopathe, incarné par un Patrick Magee effrayant. L'ambiance et les décors du film, tout en se voulant légèrement futuristes, restent typiquement seventies, avec leurs couleurs pop, leurs motifs et leurs meubles arrondis, les mini-jupes et les cols "pelle à tarte"... Visuellement, le film représente parfaitement son époque.

Orange Mécanique
a fait en scandale à sa sortie à cause de certaines scènes ultra-violentes (qui n'ont absolument pas vieilli presque 40 ans après) et de scènes de sexe explicites. Le film a été censuré dans tous les cinémas britanniques jusqu'en... 2001 ! Kubrick a une façon "voyeuriste" de filmer la violence qui choque toujours autant. La séquence où Alex tabasse allègrement le vieil écrivain tout en portant un masque de théâtre et en chantant et dansant Singin' In The Rain est devenue une scène d'anthologie.

Pour terminer, le film soulève aussi un certain nombre de questions philosophiques et éthiques, dans la mesure où il montre  - et dénonce - les séquelles entraînées par le fameux traitement Ludovico ; une fois "soigné", Alex n'est plus violent, certes, mais il n'est par conséquent plus libre. Un individu dont le comportement st conditionné est-il encore un homme ? L'expérience sont Alex est victime s'avère être mise en place à des fins politiques, et la deuxième moitié du film  devient alors une lutte entre les défeuseurs du traitement (les politiciens clamant que celui-ci réduit la criminalité) et ses détracteurs (ceux qui considèrent qu'Alex n'est plus lui-même, mais une machine programmée - d'où le titre...). Le film est également une satire sociale.

Comme tous les films de Stanley Kubrick, Orange Mécanique est un chef-d'œ
uvre, un film avant-gardiste et dérangeant qui n'a pas pris une ride et est toujours considéré comme l'un des piliers du cinéma... À voir absolument !

14 août 2010

Mesrine 1 & 2


Titres : L'Instinct de Mort ; L'Ennemi Public numéro 1
Réalisateur : Jean-François Richet
Avec : Vincent Cassel, Cécile de France, Gérard Depardieu, Ludivine Sagnier...
Date de sortie : 2008
Pays : France
Note : ♥♥♥♥

L'histoire de Jacques Mesrine (à prononcer "Mérine" si vous ne voulez pas l'énerver, apparemment), on la connaît : celle d'un homme qui, engagé dans les affaires criminelles depuis l'âge de 18 ans, est devenu l'Ennemi Public numéro 1, a braqué un nombre incalculable de banques et s'est évadé de prison à plusieurs reprises, avant d'être finalement assassiné par la police, le 2 novembre 1979. Il avait 43 ans.

Jean-François Richet, qui n'avait alors à son actif que deux films mineurs et inconnus, a décidé de raconter la vie de Mesrine en non pas un, mais deux films, de presque 2h30 chacun. Il s'appuie sur les deux autobiographies que Mesrine avait écrites lors d'un de ses (nombreux) séjours en prison, intitulés L'Instinct de Mort et Coupable d'être Innocent, et donne le rôle principal à Vincent Cassel, physiquement peu ressemblant mais qui, comme d'habitude, parvient admirablement à devenir son personnage.

Richet commence son film en nous disant qu'aucune œuvre de fiction ne peut prétendre reconstituer à l'exact la vie d'un homme. Pourtant, on a l'impression que le biopic se révèle extrêmement complet. Je ne connais quasiment pas la vie de Jacques Mesrine, mais quoi qu'il en soit, le réalisateur s'interdit de porter un jugement sur le personnage, le montrant tour à tour comme un anti-héros drôle et sympathique, et comme un homme violent qui met de force son revolver dans la bouche de sa femme. À nous de nous faire notre propre opinion...

...Opinion qui, pour ma part, se résume principalement à une bonne dose d'admiration. Bien sûr, Mesrine a commis des actes répréhensibles et non excusables ; mais les films nous montrent à quel point l'homme n'a peur de rien, a un grand sens de l'honneur, aide toujours ses camarades et, au fond, n'est pas si méchant que ça - et même franchement marrant dans la vie quotidienne, si l'on en croit le film. Ce gangster avide de reconnaissance publique et qui aurait aimé être vu comme un grand révolutionnaire suscite la même fascination que ses prédécesseurs, bandits célèbres à la John Dillinger. Du coup, quand la police le prend en traître et l'abat froidement, sans sommation, on trouve ça franchement dégueulasse.

Côté mise en scène, le film parvient admirablement à faire monter le suspense. Dès la toute première scène du premier opus, on nous plonge dans une ambiance oppressante et tendue, avec un montage en split screen (écran divisé en plusieurs parties) montrant simultanément, sous différents angles, la sortie de Mesrine et de sa copine Sylvie (Ludivine Sagnier) d'un immeuble, juste avant la mort de Mesrine.

Côté suspense, on retiendra principalement la séquence de L'Instinct de Mort où Mesrine, simplement armé d'une pince coupante, s'évade d'une prison québécoise ; pendant la demi-heure que durent les préparatifs puis l'évasion en elle-même, on est assis sur le bord de notre siège, osant à peine respirer. La musique (magnifique partition de Marco Beltrami et Marcus Trumpp) et le montage - tout en gros plans, regards angoissés et caméra subjective - créent une tension d'une intensité rare. De même pour la scène de fin du deuxième film, où même si l'on sait pertinemment comment elle va se terminer (la mort de Mesrine, annoncée dès le tout début du premier épisode), on n'est pas moins happé par le suspense.

Le casting est sans faute : Cassel joue à la perfection le rôle de Jacques Mesrine, adoptant le jargon typiquement "voyou" et livrant une interprétation subtile qui reflète bien la complexité du personnage - et parvient à rendre le criminel attachant. Cécile de France, méconnaissable,  incarne efficacement Jeanne Schneider, l'une des copines de Mesrine ; Mathieu Amalric est très bien choisi pour jouer le rôle de François Besse, un autre criminel qui fait équipe avec Mesrine, et est vite exaspéré par son comportement "grande gueule" et provoquant. Mention spéciale, enfin, à Gérard Depardieu, comme toujours excellent, incarnant ici le premier "patron" du jeune Mesrine tout juste revenu d'Algérie, Guido.

Les deux films se complètent tout en étant assez différents : le premier, plus film d'action, plus blockbuster, se concentre sur les jeunes années de Mesrine, entre filles, évasions spectaculaires et fuite incessante ; le second, plus intimiste, développe le personnage de Mesrine et en révèle les multiples facettes, s'attachant davantage à l'humain qu'au héros, et dévoilant les motivations moins connues de l'homme.

Une biographie complète et passionnante à voir absolument, tant pour la vie mouvementée de Jacques Mesrine que pour la mise en scène et les acteurs, grandioses.

12 août 2010

The Descent


Titre original : The Descent
Réalisateur : Neil Marshall
Avec : Shauna McDonald, Natalie Mendoza, Alex Raid, Nora-Jane Noone...
Date de sortie : 2005
Pays : USA
Note :

Le synopsis de The Descent sur Internet était le suivant : un petit groupe de personnes part explorer des grottes dans les montagnes du Vermont. Évidemment, les choses tournent mal, et elles se retrouvent bloquées dans le réseau de boyaux étroits qui constituent le site...

Malheureusement, il manque un élément essentiel à ce résumé : une fois enfermées dans les grottes (oui, il s'agit uniquement de filles, toutes jeunes et jolies avec des gros seins moulés dans leurs débardeurs, pour faire plaisir à la gent masculine...), les nanas spéléologues rencontrent toute une tribu de mutants humanoïdes aveugles et visqueux, sorte de race humaine souterraine qui tient un peu de Gollum...

C'est à partir de la rencontre avec les "Crawlers" (= rampeurs, nom donné aux mutants par les filles) que le film perd son intérêt. La première partie est passable : on assiste aux préparatifs du groupe de filles pour leur expédition, à leur trajet en voiture dans les forêts grises du Vermont, à la première descente en rappel dans un grand trou qui mène aux boyaux...

En dépit de personnages clichés et peu développés, le réalisateur parvient à installer une ambiance efficace. Marshall prend bien soin de filmer les scènes d'extérieur tout en plans larges, puis toute l'expédition sous-terraine en plans très serrés, pour faire ressentir au spectateur l'impression de claustrophobie et de manque d'espace dans les grottes. On se prend au jeu, en effet, et on se retrouve à souhaiter autant que les filles de revoir l'air libre et le ciel bleu.

Très vite, on arrive à l'"élément déclencheur" du film : après le passage du groupe dans l'un des boyaux, celui-ci s'écroule, obstruant le passage. Impossible de revenir en arrière. C'est ce moment que choisit Juno (Natalie Mendoza), la meneuse de l'expédition, pour avouer à ses copines qu'elle les a conduites dans une grotte jamais explorée auparavant... et dont elle ignore s'il existe plusieurs voies de sortie.

L'intrigue aurait pu (aurait dû !) en rester là : la lutte des six nanas pour retrouver la sortie, les tensions générées par la peur, divers accidents, etc. Mais non. Au lieu de ça, le réalisateur choisit de tomber dans le fantastique, en incluant un groupe de mutants sanguinaires qui vivent sous terre et mangent de la chair fraîche...

The Descent sombre alors dans le pire du film gore, avec giclements de sang, membres arrachés et hurlements de circonstance. Le réalisateur prend apparemment un malin plaisir à torturer ses personnages et à les éliminer les uns après les autres de toutes les façons possibles. À part utiliser des litres de faux sang, toute la deuxième partie du film ne présente aucun intérêt... Quelques rares passages génèrent encore un peu de suspense, mais la plupart donnent simplement envie de regarder ailleurs pour éviter de voir, pour la énième fois, l'un des "Crawlers" arracher les tripes à une fille encore vivante... Les scènes en deviennent grotesques, ridicules, virent au  plus grand n'importe quoi.

Certains spectateurs ont donné - peut-être pour tenter de remonter le film dans leur estime - une interprétation plus profonde à l'histoire de The Descent. En effet, on apprend au début que l'une des filles, Sarah (Shauna McDonald), a perdu son mari et sa fille dans un accident de voiture un an plus tôt ; à partir de là, certains considèrent que toute l'histoire des "Crawlers" n'est qu'un produit de l'imagination de Sarah, qu'ils sont la métaphore de ses démons intérieurs, et que c'est en fait Sarah elle-même qui, sombrant dans la folie, tue une par une ses camarades... Le titre du film serait alors à double sens : la descente dans les grottes et la "descente" psychologique, vers la folie, de Sarah.

Même si j'aurais préféré cette interprétation, je pense que c'est donner de la profondeur à un film qui n'en a pas. Aucun indice ne nous permet de penser que les monstres sont une hallucination de Sarah. De plus, entre être déprimée et assassiner cinq de ses amies... il y a un gouffre. Hypothèse qui aurait pu être développée, donc, mais à mon avis peu envisageable ici. Non, The Descent apparaît comme un simple film d'horreur, avec monstres, jolies filles et hémoglobine à gogo.

Un film sans intérêt, donc, à part la première demi-heure, éventuellement regardable. Pour la suite, en plus d'être dégoûtant, c'est ennuyeux et répétitif... À éviter.

11 août 2010

Le Cercle Rouge


 Réalisateur : Jean-Pierre Melville
Avec : Alain Delon, André Bourvil, Yves Montant, Gian-Maria Volonte...
Date de sortie : 1970
Pays : France
Note : ♥♥

Trois ans après son film - devenu culte - Le Samouraï (avec Alain Delon), le spécialiste du film noir Jean-Pierre Melville revient avec un nouveau polar typiquement seventies, Le Cercle Rouge. Cette fois, au lieu d'un seul, ce sont quatre acteurs qui se partagent l'affiche : Alain Delon, Bourvil, Yves Montand et  Gian-Maria Volonte.

Corey (Delon) est un voyou qui sort tout juste de cinq ans de prison pour braquage. Par hasard, il fait la connaissance de Vogel (Volonte), un truand qui vient juste de s'évader alors qu'il était transféré sous la surveillance du commissaire Mattei (Bourvil). Ensemble, les deux hommes décident d'organiser un monumental cambriolage dans une joaillerie de la place Vendôme. À cette occasion, Vogel présente à Corey un ex-policier devenu alcoolique, Jansen (Montand), qui les y aidera. Pendant ce temps, le commissaire Mattei jure à ses supérieurs de tout mettre en oeuvre pour rattraper Vogel...

On se doute évidemment que les histoires parallèles vont finir par s'entrecroiser. En dehors de l'intrigue principale menée par les quatre héros, il y a encore plusieurs sous-intrigues et de nombreux personnages secondaires.

Les acteurs portent efficacement leurs personnages. Bourvil y connaît un de ses rares (voire le seul ?) rôles "sérieux", et ça lui va plutôt bien. Yves Montand est parfait en alcoolique désespéré, dont la première apparition est une scène où, dans son lit, il est victime d'un delirium tremens et voit tout un tas de bestioles lui grimper dessus. Gian-Maria Volonte, que je vois pour la première fois, est lui aussi efficace dans le rôle de l'évadé ; quand à Delon, fidèle à lui-même, il reprend son sempiternel rôle de truand pas bavard. Classique, mais toujours bon. Et beau. Hum.

On appréciera (ou pas) le fait que le film est, pour une fois, totalement dépourvu de romance entre voyou et jolie fille - exceptionnellement, Alain Delon ne fait aucune rencontre (si si). Le Cercle Rouge est un film d'hommes, où les femmes n'ont aucune place. Les seules qu'on voit sont les danseuses d'un cabaret minable. Certes, ça nous prive d'un certain nombre de belles robes sixties, mais personnellement, j'aime assez l'absence d'histoire(s) d'amour...

Comme son titre ne l'indique pas, Le Cercle Rouge baigne essentiellement dans une atmosphère bleutée, sombre, glauque et froide. Les personnages évoluent dans une nuit quasi-permanente, de bars mal famés aux chambres décrépites. Les paysages, peu nombreux (la plupart des scènes sont tournées en intérieur), sont exclusivement composés de prairies enneigées, de forêts boueuses et de routes trempées de pluie. Dès le début, on est pris par cette ambiance morne aux couleurs désaturées ; ainsi, la symbolique du cercle rouge glissée ici et là par le réalisateur devient évidente. Melville inclut  dans son film des éléments rouges - et ronds, donc - qui attirent immédiatement l'œil : ourlet de jarretelle, feu rouge, cible...

Côté mise en scène, le film est très lent (il dure tout de même 2h20, ce qui est très long pour l'époque). Pourtant, on ne s'ennuie jamais ; paradoxalement, l'action est omniprésente, et le rythme n'est jamais mou ; la complexité d' l'histoire exige tout simplement une durée de plus de deux heures. La (très longue) séquence du cambriolage de la joaillerie est mémorable : elle se déroule dans un silence total. Corey et Vogel agissent sans jamais parler, en prenant garde de ne faire aucun bruit ; du coup, on a l'impression d'avoir coupé le son de la télé pendant quasiment une heure. Par conséquent, on se concentre entièrement sur l'image ; les cadrages sont aussi beaux qu'efficaces pour générer du suspense. Effectivement, on retient sa respiration, pensant à chaque instant que les deux hommes vont se faire surprendre... Probablement la meilleure scène du film.

Un polar à l'intrigue bien ficelée, esthétiquement très beau, avec de bons acteurs et un rythme jamais relâché. Un classique dans la lignée de ses prédécesseurs, mais toujours aussi efficace. À voir !

10 août 2010

Sin City


Titre original : Sin City
Réalisateurs : Frank Miller, Robert Rodriguez
Avec : Bruce Willis, Jessica Alba, Benicio del Toro, Rosario Dawson...
Date de sortie : 2005
Pays : USA
Note :
 
Sin City fait partie de la grande famille des films adaptés de comics américains. En l'occurence, Frank Miller adapte sa propre série de BD, en collaboration avec le réalisateur-scénariste Robert Rodriguez (auteur de quelques malheureux nanars tels l'affligeant Spy Kids ou Once Upon a Time in Mexico, que même Johnny Depp ne parvient pas à sauver).

L'intrigue du film est difficile à résumer en quelques lignes. Il s'agit de plusieurs histoires parallèles : le flic Hartigan (Bruce Willis) essaye de protéger sa fiancée, la strip-teaseuse Nancy (Jessica Alba), d'un vicieux pédophile ; Marv (Mickey Rourke), grosse brute misanthrope, veut venger Goldie (Jaime King), assassinée dans son sommeil ; Dwight (Clive Owen), amoureux de Shellie (Brittany Murhpy), passe ses nuits à défendre sa duclinée et ses copines prostituées d'un flic corrompu et violent (Benicio del Toro).

Les personnages sont nombreux, et par conséquent les sous-intrigues aussi. Le tout se déroule dans les bas-fonds glauques et mal famés de Basin City (surnommée Sin City, "la ville du péché"), où tous les policiers sont pourris, toutes les femmes sont sexy et tous les hommes body-buildés.

Sin City ne cherche pas à installer une ambiance réaliste, et c'est d'ailleurs là que réside la seule qualité du film : Rodriguez et Miller sont fidèles à l'imagerie de la BD, tout en noir et blanc très contrasté, avec quelques touches de rouge ici et là, et un peu de jaune maladif pour le personnage du pédophile - sorte de monstre malformé tenant plus de Gollum que de l'humain de base. Visuellement, le film est très beau...
 
Dommage qu'à côté, il n'y ait rien.

Le scénario est correct, sans être extraordinaire. La multiplication des intrigues finit par embrouiller le spectateur, surtout quand les personnages sont filmés dans une quasi-obscurité qui nous empêche de les identifier. Les acteurs correspondent à leur rôle - filles sexy à gros seins et hommes à gros biceps - mais j'ai personnellement du mal à supporter Willis, Rourke et autres gros bras réunis dans un même film.

Le gros problème avec Sin City, c'est la violence. Ou plutôt l'excès de brutalité filmée avec une extrême complaisance. Je ne suis pourtant pas du genre choquée par les scènes violentes au cinéma, ni particulièrement sensible, mais mon souvenir de Sin City reste exclusivement celui du film le plus violent que j'aie jamais vu. On sent que Rodriguez aime le sang, la baston et le gore ; il ne s'en prive pas. Les coups pleuvent, les balles volent, le sang gicle ; Del Toro se fait noyer dans une cuvette de toilettes crasseuse, le pédophile jaunâtre se fait couper en rondelles et Elijah Wood se fait dévorer vivant par un chien, un sourire aux lèvres...

Pourtant, les scènes ne sont pas vraiment insoutenables, ou gores à l'extrême. Toute la violence est très esthétisée, masquée par un noir et blanc expressionniste, noyée dans la pénombre, filmée de façon quasi-abstraite. Ce qu'on éprouve face à ce surplus de brutalité, ce n'est ni du dégoût ni de la peur ; simplement une espèce de ras-le-bol. Une overdose de violence. On lève les yeux au ciel, blasés. "Ça y est, ça recommence..."

Rodriguez s'amuse, visiblement. À la manière de Tarantino - un bon ami à lui -, il use et abuse de la violence ; à la différence que lui n'a pas le don de génie d'entrecouper ses séquences de massacre avec de longues scènes de dialogues brillamment écrites. Or, Tarantino sans les dialogues et sans l'humour noir, il ne reste plus grand-chose, si ce n'est de l'hémoglobine...

Détail ironique : Rodriguez avait demandé à Tarantino de réaliser une séquence de Sin City. La scène, où Dwight voyage en voiture tout en s'entretenant tranquillement avec la tête tranchée du flic corrompu, est la meilleure du film... N'est pas Quentin Tarantino qui veut.

Un film qui présente un intérêt graphique, mais pas suffisant pour ne pas ressentir une folle envie de se lever de son siège de de quitter le cinéma, passablement écœuré... Un "Interdit aux moins de 16 ans" bien mérité, et encore. À réserver aux amateurs de testostérone, de nanas sexy et de mitraillettes.

9 août 2010

La Route


Titre original : The Road
Réalisateur : John Hillcoat
Avec : Viggo Mortensen, Kodi Smit-McPhee, Robert Duvall, Charlize Theron...
Date de sortie : 2009
PaysNote : USA
Note : ♥♥♥♥

La Route est le premier long-métrage de fiction du jeune réalisateur John Hillcoat. Il s'agit d'une adaptation très fidèle du best-seller de l'écrivain américain Cormac MacCarthy, dont le roman No Country for Old Men avait déjà été adapté à l'écran par les frères Coen.

Nous sommes dans un futur proche, et l'apocalypse a eu lieu. Le monde n'est plus que cendres et les quelques survivants tentent désespérément de s'en sortir au milieu de cet enfer. Parmi eux, un père (Viggo Mortensen) et son fils d'une dizaine d'années (Kodi Smit-McPhee) voyagent sur la route, un caddie pour tout bagage, avec l'espoir de se rendre dans les contrées du Sud, où la température serait moins glaciale...

Comme très souvent (malheureusement), la bande-annonce de La Route nous induit complètement en erreur quant au genre de film dont il s'agit. On y voit un condensé d'explosions, d'incendies, de tirs à la mitraillette et de courses effrénées à travers la forêt, ce qui prête à croire à un (mauvais) film d'action à l'américaine. Alors que non. La Route est tout le contraire d'un film d'action...

C'est d'abord et surtout une ambiance ; le réalisateur a bien réussi à retranscrire l'atmosphère du roman. Les couleurs sont désaturées, le ciel est grisâtre, les arbres nus se dressent dans la semi-pénombre omniprésente. Des nuages de fumée opressante masquent en permanence le soleil. Le paysage est peuplé de carcasses de voitures brûlées, de maisons en ruine, de débris divers. Pas un chant d'oiseau, pas un bruit, juste un silence étouffant.

On ne saura jamais ce qui s'est passé pour que le monde se retrouve dans un tel état. Les personnages n'en parlent jamais. On imagine une bombe atomique, ou une catastrophe naturelle, mais le réalisateur n'y accorde pas d'importance. L'essentiel, c'est ce qu'il reste. Et ce n'est pas beau à voir : en plus des températures glaciales, du manque de nourriture et des paysages cauchemardesques, les quelques survivants s'adonnent au cannibalisme, gardant leurs victimes mutilées dans des sous-sols devenus garde-mangers humains...

Au milieu de cette désolation, le père et le fils (dont on ne saura jamais les noms, appelés uniquement "Papa" et "the boy") errent sur la route, emmitouflés dans des doudounes en haillons, se nourissant de ce qu'ils trouvent. Le père se méfie de tout et de tout le monde, le petit veut aider tous ceux qu'ils croisent... Leur relation est fidèle au roman, avec toutefois un petit bémol : ce qui faisait l'originalité et la qualité littéraire du livre de McCarthy, c'étaient en grande partie les dialogues, en phrases brèves et répétitives, entre le père et le petit. John Hillcoat n'a pas pu retranscrire à l'écran cette litanie, les questions du petit et les réponses raussrantes du père.

Mais son adaptation des dialogues reste tout à fait satisfaisante, portée par des acteurs crédibles - Viggo Mortensen parfait dans le rôle de ce père protecteur et Kodi Smit-McPhee convaincant dans celui, difficile, de l'enfant terrifié et innocent.

Le photographie du film est magnifique et très travaillée. Les couleurs, ou plutôt les non-couleurs, dégagent une ambiance glauque à souhait, d'autant plus que les plans sont entrecoupés, parfois, par des flash-backs aux couleurs exagérément saturées, racontant le passé de l'homme avant la catastrophe.

Côté mise en scène, le film a heureusement respecté la sobriété du roman, sans pathos inutile (heureusement, sans quoi on serait facilement tombés dans un drame ultra-larmoyant...), ni scènes d'action supplémentaires visant à toucher un plus grand public. La Route n'est d'ailleurs pas un film à grand public, mais plutôt intimiste et indépendant...

Une très bonne adaptation, donc, d'un excellent roman un brin déprimant. Il est, comme toujours, préférable de lire le livre avant d'aller voir le film...

8 août 2010

La Plage


Titre original : The Beach
Réalisateur : Danny Boyle
Avec : Leonardo DiCaprio, Guillaume Canet, Virginie Ledoyen, Tilda Swinton...
Date de sortie : 2000
Pays : USA/Angleterre
Note : ♥♥♥

La Plage est le second film à succès de Danny Boyle, après l'excellent Trainspotting (dont j'aurai l'occasion de reparler). L'intrigue est tirée d'un roman d'Alex Garland.

Richard (Leonardo DiCaprio) est un jeune Américain d'une vingtaine d'années en quête de dépaysement et d'aventures. Il part, seul, en Thaïlande et s'installe dans un minable hôtel de Bangkok, ville bruyante et polluée dont il se lasse très vite. Un soir, il fait la rencontre de Daffy (Robert Carlyle), un homme étrange qui lui parle d'une histoire sans queue ni tête : il existerait quelque part une plage paradisiaque, sorte de monde parfait dont nul ne connaît l'existence. Daffy dit y être allé. Richard ne prête pas attention aux délires de l'inconnu, jusqu'au lendamin matin, quand ce dernier est retrouvé mort, les veines ouvertes au rasoir, et que Richard découvre sur la pas de sa porte une carte indiquant l'emplacement de la fameuse plage...

Intrigué et par goût de l'aventure, il propose alors à ses voisins de chambre, les deux jeunes français Étienne (Guillaume Canet) et Françoise (Virginie Ledoyen), de louer un bateau et d'aller à la recherche de la plage...

La première demi-heure du film est trompeuse : à la voir, on s'attend à une sorte de teen movie sentimental sur fond de décor paradisiaque, avec le triangle amoureux Richard/Françoise/Étienne qui s'annonce gros comme une maison dès les premières minutes et une musique à vous dégoûter de voir la suite. Trois acteurs jeunes et beaux, des palmiers et de l'eau turquoise... On craint le pire. Sauf que non.

La première partie du film, une fois que le trio a trouvé la plage, décrit une vie idyllique. L'endroit est habité par un petit groupe de gens vivant en communauté, en autarcie parfaite et ne quittant leur paradis qu'en cas d'extrême urgence. Une sorte de village hippie, avec fleurs dans les cheveux, baignades tous nus dans l'eau claire, joints à gogo (la plage est située non loin d'une véritable forêt de cannabis) et rituels de bienvenue. Richard et ses amis intègrent le groupe et vivent quelque temps heureux comme des rois...

La deuxième partie du film est bien plus sombre, jusqu'à sombrer quasiment dans l'horreur. Le paradis devient peu à peu enfer. Richard entame une relation avec Françoise, découverte par Étienne. Richard entame une relation avec la "chef" de la communauté, Sal (Tilda Swinton), bientôt découverte par Françoise. Les tensions s'accumulent. Un homme se fait arracher la jambe par un requin et la décision est prise de le laisser mourir, seul et loin du campement. Des touristes découvrent le champ de cannabis et par la même occasion ses propriétaires, des Thaïlandais peu disposés à croiser du monde sur leurs terres...

Il y a du sang, des morts, des cris et des larmes. L'idylle construite par Sal et ses compariotes tombe en ruine, en même temps que le héros, Richard, sombre lui-même dans une sorte de folie agressive à la suite de son bannissement du camp. C'est d'ailleurs là que le film devient un peu "too much", et peu subtil. Quelques scènes frisent franchement le ridicule, comme celles où DiCaprio, soudain habillé en ninja (??), court dans la forêt et s'imagine en personnage de jeu vidéo. Les prises de vue réelles sont alternées avec des images de type GameBoy, avec la musique adéquate - pénible et inutile. Un interminable passage qui ruine le film.

En dehors de cette demi-heure "faible", La Plage n'évite pas quelques clichés, entre tendres ébats au clair de lune ou histoires d'amour désespérément prévisibles. Mais dans l'ensemble, le film instaure une ambiance malsaine et inquiétante à mille lieues de ce que laisse annoncer l'affiche (une sorte d'Alerte à Malibu en Thaïlande). Leonardo DiCaprio est comme à son habitude excellent (et pourtant, je le déteste, mais son talent d'acteur est indéniable...) et Guillaume Canet très convaincant. J'ai plus de mal avec le jeu de Virginie Ledoyen, un peu artificiel à mon goût. Mention spéciale à Tilda Swinton, parfaite.

Un film inégal, entre drame sentimental cucu-la-praline et thriller paranoïaque, intéressant malgré quelques maladresses et quelques réminiscences de "film pour ados" typique.

6 août 2010

Blow-Up


Titre original : Blow-Up
Réalisateur : Michelangelo Antonioni
Avec : David Hemmings, Vanessa Redgrave, Sarah Miles, Peter Bowles...
Date de sortie : 1966
Pays : Angleterre
Note : ♥♥♥♥

Blow-Up est le premier film qu'Antonioni (réalisateur de La Notte, L'Avventura) a tourné en Angleterre avec un casting britannique, et aussi celui qui a eu le plus gros succès critique et commercial.

Le film raconte l'histoire d'un jeune photographe de mode à succès, Thomas (David Hemmings), qui mène une vie futile et égoïste dans son loft londonien. Un jour, alors qu'il flâne dans un parc à la recherche d'inspiration, il surprend un couple (une jeune femme et un homme plus âgé) en train de flirter. Il les prend en photo en cachette. Un peu plus tard, de retour chez lui, il développe les clichés et, en agrandissant l'un d'eux, découvre qu'il a accidentellement photographié un cadavre...

À peine a-t-il fait cette découverte que la femme du parc, Jane (Vanessa Redgrave) frappe à sa porte et exige de récupérer la pellicule photo sur laquelle elle figure... Lentement, le monde superficiel et rangé de Thomas va alors s'effriter pour laisser place à un univers entre rêve, fantasme et réalité.

De nos jours, un certain nombre de gens voient Blow-Up comme une sorte de manifeste des années 60, une
œuvre dont le principal but est de montrer l'ambiance du Swinging London et de l'industrie de la mode à l'époque. C'est sous-estimer totalement le film. Certes, Antonioni prend son temps pour nous montrer le monde dans lequel évolue son héros : photos de mode avec des mannequins avec qui il couche après la séance ; orgies avec LSD et pétards à volonté ; concert des Yardbirds avec une foule habillée 100% sixties...

Mais penser que c'est là le propos d'Antonioni est une erreur. Le réalisateur ne s'intéresse pas à la société londonienne des années 60 ; ni même, comme le synopsis du film peut le faire penser, à construire un thriller à suspense autour du cadavre découvert par Thomas. Blow-Up, c'est un film sur la perception de la réalité.

Au début du film, Thomas croise, au détour d'une rue, un groupe de mimes entassés dans une décapotable. Ce seront ces mêmes mimes qui révéleront plus tard la clé du film, ainsi que son vrai propos. Mais revenons en arrière : alors que Thomas tente de résoudre le mystère du corps photographié par hasard, la pellicule contenant les photos disparaît mystérieusement. Thomas décide de retourner dans le parc, pour chercher lui-même le cadavre... Or, une fois à l'emplacement où le mort aurait dû se trouver, il n'y a rien.

Perplexe, Thomas rebrousse chemin, et croise à nouveau la voiture des mimes. Ceux-ci garent leur véhicule, entrent sur un terrain de tennis désert et entreprennent de jouer un match imaginaire, sans balle ni raquettes, dans un silence total. Thomas les observe jusqu'à ce que la balle imaginaire "sorte" du terrain, et que l'un des joueurs lui fait signe d'aller la récupérer... Thomas va effectivement chercher la "balle", et fait mine de la lancer aux joueurs. À partir de ce moment, il commence à entendre le son imaginaire des raquettes...

Cette scène est la dernière du film. Blow-Up se termine sur un gros plan de Thomas, avec le son des balles de tennis en fond, hors-champ. Elle résume tout ce qu'Antonioni a voulu dire : la réalité n'est qu'une affaire de perception, subjective et changeante en fonction de l'individu. Thomas, toujours si terre-à-terre, prend finalement part à ce match imaginaire, qui devient pour lui réel à partir de ce moment-là... Le cadavre était-il vraiment là ? Un crime a-t-il vraiment été commis ? Jane y est-elle mêlée ? On ne le saura pas. Chacun voit et pense ce qu'il a envie de voir et penser, à l'instar des héros du film.

Antonioni sème des indices menant à cette interprétation tout au long du film ; de nombreux dialogues ont pour objet, de façon plus ou moins explicite, l'altération de la réalité. À l'instar de ces répliques entre Thomas et l'une de ses modèles : "I thought you were in Paris..." "I am", répond-elle. Le film mérite deux ou trois visionnages pour bien en saisir le sens et l'apprécier à sa juste valeur...

Un film étrange et déstabilisant à l'atmosphère oppressante, qui rappelle parfois David Lynch. Un chef-d'œ
uvre qui a directement inspiré le film Blow-Out de Brian De Palma, des années plus tard...

La Vague


Titre original : Die Welle
Réalisateur : Dennis Gansel
Avec :  Jürgen Vogel, Frederick Lau, Max Riemelt, Jennifer Ulrich...
Date de sortie : 2008
Pays : Allemagne
Note : ♥♥♥♥

L'intrigue de La Vague se déroule en Allemagne, de nos jours. Au cours d'une "Projektwoche" (semaine d'activités) au lycée, le professeur Rainer Wenger (Jürgen Vogel), censé apprendre à ses élèves ce qu'est l'autocratie, décide de tenter une expérience : est-il encore possible, dans l'Allemagne du XXI° siècle, d'instaurer une dictature ? Peu à peu se met en place un jeu de rôle grandeur nature dans lequel les élèves s'enfoncent sans se rendre compte de la gravité de leurs actes... Le professeur, sans le vouloir, a créé un mouvement dont le contrôle lui échappe totalement - et qui aura des conséquences dramatiques.

La Vague dépeint, de manière bien sûr simplifiée mais très juste et pertinente, les mécanismes qui engendrent une dictature. Le professeur Wenger est le dirigeant du groupe, le meneur. Il propose à ses élèves de se donner un nom collectif, puis un uniforme, puis de créer un logo. Et ça plaît à tout le monde.

Les quelques élèves lucides qui refusent de jouer le jeu sont automatiquement méprisés et exclus par la majorité consentante. Les autres, ceux qui acceptent de rentrer dans le groupuscule qu'ils nomment "La Vague", se croient vite supérieurs. La force par la collectivité, disent-ils. Les élèves des autres classes sont impressionnés et envieux ; La Vague, ça a l'air si "cool".

L'exemple frappant qui nous fait bien comprendre comment quelqu'un peut accepter de se joindre à un tel régime, c'est le cas de Tim (Frederick Lau), l'un des élèves. Un garçon un peu paumé, dont tout le monde se moque, qui n'a pas d'amis et duquel sa famille se désintéresse. Lorsqu'il entre dans le groupe, il se trouve enfin une raison de vivre. Pour la première fois, les gens lui adressent la parole ; pour la première fois, on le respecte. Il a cessé d'être différent, il fait maintenant partie d'un collectif où tous sont égaux. Malheureusement, la passion de Tim pour La Vague devient vite obsessionnelle et il sombre peu à peu dans la folie, jusqu'au dénouement tragique du film.

Le casting, presque exclusivement des jeunes de 16 à 18 ans, est très bon. Chacun des élèves parvient à rendre son personnage crédible et attanchant, malgré quelques menus clichés (la baba cool alternative qui refuse dès le départ de rentrer dans le jeu de Wenger...). Le jeune acteur qui joue Tim est particulièrement bon. Jürgen Vogel, lui, retranscrit parfaitement la dualité de son personnage, dont on ne devine jamais vraiment les motivations : considère-t-il son "expérience" comme un simple jeu, qui prendra automatiquement fin au dernier jour de la semaine d'activités ? Ou bien s'est-il attaché à ce rôle de dictateur qu'il s'est donné, au point de vouloir poursuivre le mouvement ?

On en doute. Si bien qu'à la fin du film, lorsque Rainer Wenger adresse un discours terrifiant à ses élèves, on ne sait pas trop s'il est sérieux, ou s'il veut simplement les tester...

La force du film réside dans sa crédibilité malgré un sujet, qui, sur papier, peut paraître irréaliste. Mais Dennis Gansel parvient à faire croire au spectateur qu'un tel événement est effectivement possible ; on n'en doute pas une seconde. Le film démontre, de manière glaçante, qu'une dictature ne part pas d'un groupe de psychopathes agressifs mais bien de gens normaux, séduits par la possibilité d'un monde meilleur...

La Vague fascine autant qu'il fait peur, et nous amène à réfléchir - à la manière du Jeu de la Mort dont j'ai parlé la semaine dernière - jusqu'où l'être humain est capable d'aller... Terrifiant, mais à voir !

5 août 2010

Center Stage


Titre original : Center Stage
Réalisateur : Nicholas Hytner
Avec : Amanda Schull, Zoe Saldana, Susan May Pratt, Ethan Stiefel...
Date de sortie : 2000
Pays : USA
Note : ♥♥

Autant le dire, je m'attendais au pire lorsque j'ai commencé à regarder Center Stage. L'affiche annonçait, semblait-il, la couleur : un groupe de post-ados, leurs amis, leurs amours, leurs emmerdes. Typiquement américain, avec happy end sentimental à la clé, of course. Finalement, ça aurait pu être pire.

L'histoire : comme chaque année, un groupe de jeunes danseurs trié sur le volet intègre une prestigieuse école new-yorkaise, l'American Ballet Academy. Parmi eux, trois filles : Jody (Amanda Schull), belle et motivée, mais qui manque de souplesse et de technique. Eva (Zoe Saldana), la rebelle de service, incapable de supporter les règles strictes de l'école. Et Maureen (Susan May Pratt), extrêmement douée mais à qui il manque l'envie de faire de la danse sa vie...

La suite sonne comme la pire des sitcoms américaines. Jody, à la limite de se faire virer pour cause de niveau insuffisant, tombe amoureuse  de Cooper, mais Charlie aime Jody ; Eva sort avec Erik tout en faisant face à l'hostilité des professeurs à son égard ; Maureen, dépressive et anorexique, tombe amoureuse de Jim et s'intéresse davantage à lui qu'à la danse...

Oui, vu comme ça, ça fait peur. Et effectivement, on n'échappe pas à un certain nombre de clichés, dont les trois personnages principaux : la "rebelle" insolente et forte tête ; la "lèche-cul" peste et insupportable ; la toute gentille mais pas si douée que ça. Toutes les trois belles et minces, bien sûr, ainsi que leurs copains respectifs, tous plus "beaux gosses" les uns que les autres. Sans compter les personnages secondaires : prof de danse à première vue sèche et sévère mais au fond adorable ; mère tyrannique qui pousse sa fille à poursuivre la danse contre son gré, etc.

Je pense que si j'ai malgré tout apprécié ce film jusqu'à un certain point, c'est parce qu'il s'agit d'un film sur la danse. Le même scénario dans le milieu du foot ou de la mode, je n'aurais pas tenu deux minutes... Mais là, malgré les situations caricaturales, le film nous offre un aperçu de ce qu'est la vie à l'American Ballet Academy. Heureusement - c'est ce qui sauve le film à mon goût -, les scènes de cours de danse sont nombreux, on a parfois l'impression d'assister à un documentaire sur l'école. Ce sont les meilleures scènes du film.

Le spectacle de fin d'année, qu'on pousse le spectateur à attendre avec impatience, est montré à l'écran pendant une bonne demi-heure, ce qui est plutôt réjouissant. Le show est filmé de façon simple, sans artifices, encore une fois à la manière d'un documentaire ou d'un vrai spectacle de danse rediffusé à la télévision. Certains passages sont magnifiques, d'autres un peu moins. Personnellement, j'ai détesté le show - se voulant novateur et provocant - de l'un des chorégraphes : vulgaire, aguicheur et péniblement cliché (ballet racontant un triangle amoureux, avec pour danseurs, comme par hasard, le vrai triangle amoureux du film... Comme par hasard.)

On a bien sûr droit au happy end - les couples tiennent bon, tout le monde s'embrasse, tout le monde est accepté dans une compagnie prestigieuse, clap clap, champagne. Le seul bémol appréciable est que l'un des personnages ne va pas si bien que ça à la fin, ce qui nous évite le 100% "tout le monde il est content". Mais quand même.

L'autre point fort du film est une partie de son casting ; le réalisateur a réussi à trouver d'excellents danseurs classiques (pas de doublures pour les scènes de danse) qui sont aussi de bons comédiens. Bon, certains plus que d'autres, certes, mais dans l'ensemble, on y croit. Mention spéciale à Zoe Saldana, qui donne à son personnage une profondeur et une dualité intéressantes. Eva est clairement le meilleur personnage de Center Stage.

Un film à réserver aux amateurs de danse - ou de films américains un brin gnan-gnan. À voir pour les scènes de répétitions et de ballets, magnifiques.

3 août 2010

Match Point


Titre original : Match Point
Réalisateur : Woody Allen
Avec : Jonathan Rhys-Meyers, Scarlett Jonathan, Emily Mortimer, Matthew Goode...
Date de sortie : 2005
Pays : USA/Angleterre
Note : ♥♥♥♥♥
 
Connaissant le cinéma de Woody Allen, et en voyant l'affiche, je m'attendais à ce que Match Point soit dans la même veine que les œuvres précédentes : une comédie légère, drôle et satirique. Pourtant, Match Point n'est absolument pas une comédie ; le film tranche radicalement avec ce qu'Allen a pu faire auparavant.


Le résumé, toutefois, peut passer - à tort - pour un genre de tragi-comédie à l'américaine, à base de chassés-croisés sentimentaux. Voyez plutôt : le jeune et beau Chris Wilton (Jonathan Rhys-Meyers) s'installe à Londres pour y donner des cours de tennis. Il fait bientôt plus ample connaissance avec l'un de ses élèves, Tom Hewett (Matthew Goode), issu de la haute bourgeoisie anglaise. Tom lui présente sa sœur, Chloe (Emily Mortimer), dont Chris tombe amoureux. Il entame donc une relation avec Chloe, et est amené à fréquenter la riche famille Hewett, entre réceptions huppées et parties de chasse à la campagne.

Au cours de l'un de ces week-ends, Chris rencontre la très sexy Nola Rice (Scarlett Johansson), la fiancée de Tom. Alors que le couple de Chris et de Chloe commence à tomber dans une routine un brin ennuyeuse, Chris est irrésistiblement attiré par Nola... et réciproquement. 

Difficile d'en dire plus sans dévoiler des éléments clés de l'histoire. Mais rassurez-vous : une fois cette série d'événements mise en place (dans les premiers trois quarts d'heure du film), Match Point se transforme en ce qu'il est réellement : un thriller aussi passionnant qu'inattendu. Meurtres, enquête, fausses pistes et retournements de situation sont au rendez-vous...

La première phrase du film est représentative de toute la suite des événements. Pendant qu'une balle de tennis en gros plan touche le filet puis s'immobilise au-dessus par arrêt sur image, une voix off commente : "Les gens ont peur d'admettre qu'une grande part de notre existence est déterminée par la chance. Il est effrayant de penser que tant de choses échappent à notre contrôle. Il y a des moments dans un match où la balle touche le haut du filet, et pendant une fraction de seconde, elle peut soit passer le filet, soit non. Avec un peu de chance, elle passe, alors on gagne. Ou peut-être qu'elle ne passe pas, alors on perd."

Au cours du film, tous les personnages vont être confrontés à cette idée, vont être guidés par la chance - ou la malchance, pour certains. Au final, qui gagnera ? Qui perdra ? Le réalisateur nous tient en haleine jusqu'au bout, faisant naître un suspense mené d'une main de maître, jusqu'à la pirouette finale, génialement inattendue.

Pour Match Point, Woody Allen abandonne son lieu de tournage fétiche New-York pour venir tourner dans les beaux quartiers de Londres et dans la verdoyante campagne anglaise. Une fois n'est pas coutume, le film se déroule dans la haute société, entre dîners dans des restaurants de luxe, parties de chasse à courre, soirées à l'opéra... Pourtant, comme chez Agatha Christie, ce décor luxueux abrite les manigances peu reluisantes des personnages, de plus en plus terribles...

Le casting est impeccable. Jonathan Rhys-Meyers est parfait en héros ambitieux et glacial, à la beauté malsaine, poussé par un constant désir de s'élever dans la bonne société. Scarlett Johansson est elle aussi excellente en femme fatale pulpeuse et sexy ; elle apporte une profondeur bienvenue à son personnage, loin des clichés de la blonde superficielle. Nola Rice est cultivée, intelligente et pas aussi sûre d'elle qu'elle voudrait le faire croire. Chacun des acteurs arrive à retranscrire à l'écran la dualité de son personnage, dans ce monde où, sous les belles apparences, se cachent des hommes pas si irréprochables...

La musique, point important du film et quasiment personnage à part entière, accompagne la majeure partie de Match Point. Woody Allen a choisi de n'utiliser que des opéras classiques, que son héros Chris apprécie tant. L'opéra apporte une sorte de distance froide par rapport aux terribles événements auxquels on assiste...

Un film inquiétant au suspense haletant et au dénouement spectaculaire. Un grand Woody Allen, à ne pas manquer !

La Vie des Autres


Titre original : Das Leben der Anderen
Réalisateur : Florian Henckel von Donnersmarck
Avec : Ulrich Mühe, Sebastian Koch, Martina Gedeck, Ulrich Tukur
Date de sortie : 2006
Pays : Allemagne
Note : ♥♥♥♥♥

La Vie des Autres est le premier long-métrage du jeune réalisateur allemand Florian Henckel von Donnersmark.

L'histoire se déroule en 1984, dans une Allemagne de l'Est sous étroit contrôle de la police de sécurité, ou Stasi, dont le but  est de maintenir l'ordre en identifiant - et punissant - tous les "ennemis du socialisme". Georg Dreyman (Sebastian Koch) est un écrivain apparemment tout à fait réglo, aimé de tous les politiques hauts placés et au-delà de tout soupçon. Pourtant, lors d'une soirée au théâtre où il vient inaugurer sa nouvelle pièce, il est repéré par un agent de la Stasi, le glacial Wiesler (Ulrich Mühe), qui décide soudain de le placer sous surveillance.

Alors qu'il passe ses journées à surveiller secrètement l'appartement de Dreyman et de sa petite amie Christa-Maria Sieland (Martina Gedeck), Wiesler, homme solitaire et sans attaches entièrement consacré à son métier, va peu à peu être attiré et fasciné par la vie du couple... qui, comme on l'apprend au fur et à mesure que le film avance, n'est pas si irréprochable que ça.

La Vie des Autres, c'est d'abord une ambiance. Le réalisateur parvient parfaitement à recréer l'atmosphère de l'Allemagne de l'Est des années 80, toute en costumes grisâtres, couleurs marron et jaunes, bâtiments gris et froids, les "Trabi" plein les rues. Les comédiens sont excellents, et d'autant plus crédibles que certains ont réellement vécu à l'Est - dont Ulrich Mühe, qui aurait même eu affaire à la Stasi à cette époque. Leur jeu est simple et naturel, leurs personnages intéressants et travaillés en profondeur.

L'autre grande qualité du film est l'histoire ; les retournements de situation sont nombreux, et le film prend vite l'apparence d'une enquête policière, pleine de fausses pistes et de suspense. Chacun des personnages n'est pas ce qu'il semblait être, et jusqu'à la toute fin, on n'est pas sûr du rôle qu'ils jouent dans l'histoire...

Von Donnersmarck refuse cependant tout manichéisme entre "gentils" et "méchants", offrant au spectateur les points de vue aussi bien des résistants que des officiers de la Stasi. Il ne prend pas parti pour l'un des deux "camps" et ne cherche ni à dénoncer le régime, ni à valoriser ceux qui ont osé s'y opposer. Le film est d'un réalisme cru et parfois dérangeant, même si le réalisateur ne se complaît absolument pas à montrer la violence, ou à décortiquer en détails les méthodes utilisées par la Stasi pour parvenir à ses fins. On ne nous montre que l'essentiel, et le film se concentre surtout entre les relations entre les personnages, qui sont aussi nombreuses que complexes.

Le film mêle habilement émotion, suspense et une certaine dose d'humour (voir l'excellente plaisanterie sur Honnecker, racontée par un agent de la Stasi au réfectoire...), sans jamais tomber dans le pathos ni dans le grandiloquent. À voir absolument - et en VO, s'il vous plaît !

1 août 2010

Alice aux pays des Merveilles


Titre original : Alice in Wonderland
Réalisateur : Tim Burton
Avec : Mia Wasikowska, Johnny Depp, Helena Bonham Carter...
Date de sortie : 2010
Pays : USA
Note : ♥♥♥

Le Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton n'est pas la première adaptation cinématographique du célèbre roman de Lewis Carroll. Mais je peux difficilement juger si c'est la meilleure ou non, étant donné que je n'ai vu aucune des autres adaptations... Oui, pas même le dessin animé Disney de 1951 !

Le Alice de 2010, toutefois, n'est pas à proprement parler tiré du roman éponyme de Carroll ; Burton s'est surtout basé sur la suite des aventures d'Alice, écrites quelques années plus tard par le même auteur : Through the Looking-Glass (De l'autre Côté du Miroir). Il y a ensuite intégré des éléments du premier roman, faisant un savant mélange des deux.

L'histoire, donc : celle d'une Alice de 19 ans (Mia Wasikowska), qui vit au XIX° siècle avec sa riche famille et qui s'ennuie ferme. Elle a tout oublié de son voyage aux Pays des Merveilles lorsqu'elle était enfant. Toutefois, lorsqu'un lapin blanc croise sa route dans un jardin où sa famille donne une réception, Alice le suit et, en tombant dans un trou au pied d'un arbre, est à nouveau propulsée dans le Pays des Merveilles. Celui-ci a bien changé : toute la population est contrôlée par la terrible Reine Rouge (Helena Bonham Carter), et seule Alice apprend qu'elle seule peut ramener la paix dans leur contrée...

N'ayant pas lu le livre de Lewis Carroll, je ne sais pas à quel point Tim Burton a - ou non - respecté l'oeuvre originale. Les personnages principaux sont tous présents, en tous cas, et interprétés par une brochette d'acteurs assez convaincants. Les critiques ont beaucoup reproché à la jeune Mia Wasikowska la platitude et l'inexpressivité de son jeu, mais je trouve que sa façon de jouer correspond assez bien à son personnage.

Il est vrai que c'est difficile de ne pas paraître insipide lorsqu'on a pour partenaire Johnny Depp, qui interprète le Chapelier Fou, second rôle principal - voir rôle principal tout court, selon certains. Johnny Depp joue encore une fois la carte de l'extravagance, tant dans le physique (teint blafard, yeux sur-maquillés, cheveux et sourcils orange vif) que dans les manières et la gestuelle (impossible de ne pas penser à son personnage de Jack Sparrow dans la trilogie Pirates of the Caribbean). Son interprétation aurait paru ridicule et surjouée si n'importe quel autre acteur l'avait osée, mais avec lui, ça marche. Comme d'habitude.

Du reste du casting, on retiendra particulièrement la toujours excellente Helena Bonham Carter (Madame Burton dans la vraie vie) et le méconnaissable Crispin Glover dans le rôle de Stayne, le valet borgne de la Reine Rouge. Je suis moyennement convaincue par Anne Hathaway en Reine Blanche cucu-la-praline : elle aussi en fait des tonnes au niveau des mimiques, mais n'est pas Johnny Depp qui veut, et elle frise parfois le grotesque.

Pour le reste, les effets visuels et la 3D sont d'une très haute qualité - bien que la 3D aurait pu être davantage exploitée, à l'image de la scène de l'nterminable chute d'Alice dans le trou qui la mène au Pays des Merveilles. Les décors sont assez typiquement burtoniens, notamment la végétation épineuse et angulaire. Le scénario est correct sans être extraordinaire ; on a par moment l'impression d'un catalogue d'événements sans lien logique entre eux, comme si le réalisateur avait voulu montrer un maximum de créatures dans un maximum de décors différents, au détriment de la continuité de l'histoire.

Mais ce qu'on regrette surtout devant ce Alice, c'est justement l'absence de la "vraie" patte de Tim Burton, cet aspect gothique et sombre que l'on trouve dans tous ses films. Et pour cause : Alice version 2010 est produit par Disney... qui a dû sérieusement recadrer les idées de Burton afin de rendre le film accessible au grand - et jeune - public.

Le conflit Burton/Disney donne lieu à quelques grosses erreurs qui déprécient malheureusement le film ; notamment la BO qui, en  dehors du génial Danny Elfman (l'habitués des films de Burton) est composée par des "artistes" typiquement disneyiennes telles... Avril Lavigne ou Miley Cyrus (aïe). La chanson du générique (interprétée par Lavigne, donc) tranche totalement avec l'ambiance du film et laisse le spectateur sur une mauvaise impression (sauf peut-être les ados de 13 ans, et encore.) De même, quelques éléments comiques ajoutés pour faire rire les plus jeunes tombent à l'eau, dans la mesure où ils ne correspondent pas au reste du film et à l'humour noir de Burton.

Le film aurait donc pu être meilleur si Tim Burton avait eu carte blanche pour créer son propre univers, mais le mélange Disney/film ultra-commercial/Tim Burton n'est décidément pas compatible. Au final, à force de compromis entre les deux, le film ne va pas vraiment assez loin dans un sens ou dans l'autre... Dommage.

Malgré quelques faux pas considérables, Alice reste néanmoins un agréable divertissement, visuellement sublime.