1 septembre 2010

Sid & Nancy


Titre original : Sid & Nancy
Réalisateur : Alex Cox
Avec : Gary Oldman, Chloe Webb, David Hayman, Andrew Schofield...
Date de sortie : 1986
Pays : Angleterre
Note : ♥♥♥

Aujourd'hui, on plonge dans le Londres du milieu des années 70 : vestes en cuir cloutées, maquillage outrancier et crêtes vertes sur la tête. Plus précisément dans la vie ô combien tourmentée du bassiste du groupe punk The Sex Pistols, Sid Vicious...

Le film, loin d'être une biographie exhaustive de Sid, se concentre essentiellement sur l'histoire d'amour destructrice qu'il a vécue avec Nancy Spungen, prostituée et toxicomane de 18 ans tout droit venue des États-Unis. Le réalisateur ne s'intéresse que très modérément aux Sex Pistols, préférant suivre Sid dans sa vie privée, et dans la déchéance qui finira par le tuer.

On a rarement vu un film aussi sombre, aussi désespérément pessimiste. Le film est à l'image du mouvement punk dont il traite : "No future" pour ces deux-là, se dit-on on le voyant. No future pour Sid (Gary Oldman) et Nancy (Chloe Webb), qui tombent progressivement dans une dépendance totale à l'héroïne, ne vivent plus que pour leur shoot quotidien, passent leur temps à se hurler dessus puis à pleurer dans les bras l'un de l'autre, complètement à plat. L'atmosphère du film est volontairement glauque, oppressante, violente ; chambres d'hôtel sordides au possible, concerts où l'on se crache de la bière à la figure, voitures allègrement défoncées par une bande de punks ivres, taudis envahi par des camés amorphes vautrés sur les canapés sales, concours de pets et de rots...

Pas de place pour la beauté, la nature, les scènes douces. La vie de Sid et Nancy a été une succession de malheurs, de désillusions, d'échecs. La drogue a mis fin au groupe de Sid Vicious, à ses amitiés, à son amour et finalement, peu après, à sa vie.

Le réalisateur veut visiblement coller au plus proche de la réalité : les costumes, les attitudes, les looks respectent assidûment toutes les vraies images et vidéos que l'on a de Sid et de Nancy. Certaines scènes sont pareilles à des reconstitutions, où chaque geste, chaque mot est calqué sur la réalité, sur les vraies archives de Sid Vicious. Cependant - et on peut se demander pourquoi -, il choisit de conclure son film sur des faits non avérés, voire inventés...

En effet, Sid & Nancy se conclut sur la mort non pas de Sid, mais de Nancy Spungen. Les faits officiels, en 1978, étaient les suivants : Sid et Nancy logeaient au Chelsea Hotel à New York, et avaient passé la soirée complètement défoncés. Le lendemain, Nancy, qui avait alors 20 ans, est retrouvée morte sur le sol de la salle de bains, poignardée à l'abdomen et vidée de son sang... On retrouve l'arme du crime : un couteau appartenant à... Sid Vicious. Cependant, la police n'a jamais pu établir ce qui s'était passé : on n'a aucune preuve que Sid soit responsable de la mort. Certains émettent l'hypothèse d'un règlement de comptes entre junkies, qui s'est déroulé dans la nuit et auquel Sid n'a pas assisté, endormi dans le lit... Sid est relâché sous caution quelques temps plus tard.

Alex Cox, lui, nous montre la scène telle qu'il se l'imagine : dans le film, Sid et Nancy de disputent violemment. Exaspéré par les hurlements hystériques de Nancy, Sid finit par se saisir de son couteau ; Nancy se jette sur lui, et Sid la poignarde, plus par accident que par préméditation. Sid s'endort ensuite, laissant Nancy agoniser dans la salle de bains...

Cette version des faits est une possibilité, mais certainement pas une certitude. Sans soute le cinéaste ne voulait-il pas terminer son film sur une interrogation, une incertitude... Étrangement, il évince totalement la mort de Sid Vicious, quelques mois plus tard. Sid meurt d'une overdose d'héroïne. Il avait 22 ans. Non, ici, on a droit à une dernière scène onirique, sans aucun doute la plus optimiste, la plus belle, la plus sereine du film : Sid, en pleine hallucination, imagine que Nancy vient le rejoindre. Ils montent ensemble dans un taxi, qui s'en va vers l'horizon... Une métaphore soulignant le fait que Sid rejoint Nancy dans la mort ? Sans doute. La vérité, elle, est affichée sur fond noir, juste avant le générique : "Sid Vicious died of a heroin overdose in 1978".

Côté casting, mes sentiments sont partagés. Rien à dire, le tout jeune Gary Oldman est parfait dans le rôle de Sid Vicious, tant dans l'apparence que dans le jeu d'acteur. Il en fait des tonnes, pousse le personnage à l'extrême, mais on y croit. Surtout quand on sait que non, ce n'est pas exagéré, le vrai Sid se comportait bel et bien de la même manière. Démarche chancelante d'homme ivre, accent Cockney à couper au couteau, coiffure en pétard et garde-robe destroy à souhait... On y croit.

L'actrice qui joue Nancy Spungen, en revanche, convainc beaucoup moins. Raison principale : son âge... Chloe Webb avait 30 ans lorsque le film a été tourné. Or, Nancy est censée en avoir 18 au début, et 20 à la fin... Non seulement Webb a dix ans de plus, mais en plus, elle ne fait vraiment, vraiment pas fraîche. La vraie Nancy, malgré son maquillage baveux et ses yeux rouges, restait relativement pétillante et jolie. Chloe Webb, elle, ressemble à s'y méprendre à un travesti quinquagénaire... Comme si ce physique ingrat ne suffisait pas, elle a une gouaille presque insupportable. Lorsqu'elle crie, on en attrape des migraines. Malgré tout, si on fait abstraction de la ressemblance physique et de la cohérence par rapport à l'âge, sa prestation en elle-même est bonne. Comme Gary Oldman, elle a su parfaitement s'approprier son personnage, vulgaire, capricieuse et lunatique.

Le reste du casting, même si peu présent, est bien choisi. L'acteur qui joue le rôle de Johnny Rotten, le chanteur des Sex Pistols, n'est absolument pas ressemblant mais néanmoins admirable.

Un film sombre et dur, donc, qui nous livre une vision noire et déprimante du Londres des années 70. En plus de l'histoire de Sid Vicious, on y apprend le mode de vie bien particulier des outsiders de l'époque... Une plongée fascinante dans le monde du mouvement punk anglais, pas si loin de A Clockwork Orange. Indispensable pour les fans de Sid Vicious, intéressant pour tous les autres.

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