2 septembre 2010

Le Bruit des Glaçons


Réalisateur : Bertrand Blier
Avec : Jean Dujardin, Albert Dupontel, Anne Alvaro, Myriam Boyer...
Date de sortie : 2010
Pays : France
Note : ♥♥♥

De Bertrand Blier, je connaissais surtout les quelques films - devenus cultes - du début de sa carrière dans les années 70, dont Les Valseuses ou Buffet Froid. Récemment, le réalisateur avait écrit plusieurs comédies françaises mineures, comme Pédale Dure ou Combien tu m'aimes. Son nouveau film, Le Bruit des Glaçons, n'était donc pas le film que je tenais absolument à voir.

D'autant plus que l'affiche ne joue pas en sa faveur. Fond blanc, têtes d'acteurs connues, typographie fluo... La présence de Jean Dujardin parachève le tableau : on croit à une gentille comédie franchouillarde, pas trop mauvaise, pas très bonne non plus. Dujardin n'ayant que des rôles comiques à son actif - si l'on exclut le rôle mi-sérieux du publicitaire cocaïnomane de 99 Francs - j'avais du mal à imaginer autre chose qu'une énième comédie romantico-dramatique, banale et déjà vue.

Malgré tout, c'est un Blier. Donc je me décide à aller le voir.

J'ai été très agréablement surprise. Le film est à mille lieues de ce à quoi je m'attendais, à commencer par un Jean Dujardin aux antipodes de ses rôles habituels. Cette fois, il est Charles Faulque, un écrivain célèbre qui est devenu lourdement alcoolique depuis que sa femme l'a quitté avec son fils, huit ans plus tôt. Dujardin a la démarche traînante et instable, une vieille veste en laine râpée, la bouteille de blanc toujours à portée de main (dans son seau à glace, d'où le fameux bruit des glaçons qui l'accompagne partout) et un caractère dépressif, voire suicidaire. Et ça lui réussit. Son personnage est convaincant du début à la fin.

Mais qu'arrive-t-il donc à Charles Faulque ? L'intrigue tient en deux lignes : un beau jour, alors qu'il vit reclus dans sa villa du Sud de la France, on sonne à la porte. Qui est-ce ? 

Son cancer.

Oui, voilà le point de départ (plutôt gonflé) du nouveau film de Blier. Le cancer du cerveau de Faulque, personnifié sous les traits d'Albert Dupontel, débarque dans la vie de l'écrivain. Et s'y installe. S'en suit une cohabitation forcée, que Faulque commence par rejeter, puis finit par accepter, et même réclamer... Difficile d'en raconter davantage sans dévoiler une partie du film. Les péripéties se multiplient, les retournements de situation aussi. Blier parvient à installer un vrai suspense, qu'il maintient habilement jusqu'aux dernières minutes du film.

Comme toujours chez Bertrand Blier, les dialogues, très nombreux, sont magistralement bien écrits. Malgré le sujet pourtant difficile, l'humour est omniprésent - un humour cynique, grinçant, qui fait la réussite du film. Il fallait oser, pourtant. Par moments, on se demande jusqu'à quel point on peut rire de tout. Volontairement provocateur, Blier n'hésite pas à multiplier les répliques que certains trouveront franchement dérangeantes. Je me suis demandé plusieurs fois comment réagissaient les spectateurs qui avaient eu un cancer, ou qui y avaient été confrontés de près. Pas sûre qu'ils en rient.

Personnellement, je suis d'avis qu'il est possible de rire de tout, sauf lorsque l'humour vire au mauvais goût. Mais ce n'est jamais le cas chez Blier. On rit de bon cœur, donc, pendant une grande partie du film. Les moments les plus tragiques sont systématiquement dédramatisés par une réplique acide, ou une remarque cynique lancée par le cancer. Le cinéaste porte un regard tout à fait nouveau sur un thème déjà vu et revu (la maladie, la réaction des proches, etc.) ; Le Bruit des Glaçons devient ainsi un film unique, inclassable.

Côté casting, les acteurs sont tous choisis à la perfection. Dujardin s'accomode parfaitement de ce changement de registre et parvient à mettre son talent comique au service d'un genre radicalement différent. Dupontel, le cancer, est extrêmement drôle. Mention spéciale à l'actrice Anne Alvaro, qui interprète la domestique de Faulque, Louisa, une femme a priori coincée et timide mais qui se révélera être bien plus... Les seconds rôles sont impeccables, depuis la candide Christa Theret (la jeune immigrée russe qui fait office de prostituée à plein temps à la villa de Faulque) à l'angélique Émile Berling, qui joue le rôle du fils adolescent de l'écrivain.

La bande originale du film contribue à sa qualité et à son originalité inattendue, avec des artistes aussi variés que Brel, Nina Simone, Leonard Cohen ou Gustav Mahler. Le décor qui abrite 99% de ce quasi-huis clos, une immense villa avec piscine perdue dans la campagne de Provence, est photographié et mis en valeur avec soin. Blier en exploite tous les recoins, à tel point que la maison devient presque un personnage à part entière.

Un film inattendu, provoquant, drôle et culotté, à voir pour ses brillants dialogues et l'excellente prestation de ses comédiens.

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