Titre original : In Time
Réalisateur : Andrew Niccol
Avec : Justin Timberlake, Amanda Seyfried, Cillian Murphy, Vincent Kartheiser...
Date de sortie : 2011
Pays : USA
Note : ♥♥♥
"But the day comes when you've had enough. Your mind can be spent,
even if your body's not. We want to die. We need to."
Il est de ces films sur lesquels on met un certain temps à se faire un avis. Parfois, on adore un film au premier abord, uniquement pour être profondément déçu par un deuxième visionnage ; et parfois, au contraire, on sort du cinéma plutôt mitigé - voire carrément dépité - et ce n'est qu'à la deuxième ou troisième fois que l'on se rend compte que finalement, on aime le film.
C'est ce qui m'est arrivé pour In Time (titre dont la "traduction" française, au passage, est strictement contradictoire et de surcroît inutile : si c'est pour garder un titre anglais, pourquoi le changer en premier lieu ?!). Après en avoir vu la bande-annonce et lu le synopsis - et en ma qualité de fan de science-fiction dystopique, dont In Time promettait d'être un bel exemple -, j'étais entrée dans la salle de cinéma avec des attentes précises concernant le film, et le fait que je n'aie pas reçu ce à quoi je m'attendais a commencé par me frustrer. (D'ailleurs, si j'avais écrit cette critique à chaud juste après la séance, elle n'aurait probablement pas été aussi enthousiaste.) Malgré tout, un certain nombre d'éléments m'avaient fascinée, et j'ai décidé de revoir le film, cette fois en connaissance de cause. Et c'est à cette seconde projection que j'ai décidé qu'en fin de compte, Andrew Niccol (qui avait déjà réalisé Lord of War et Gattaca) avait tout de même fait du bon boulot.
Il faut dire que le cinéaste partait muni d'un concept absolument génial (d'autant plus louable que pour une fois, il s'agissait d'une idée 100% originale* et non d'une adaptation de roman, d'une suite ou d'un remake ; sur ce point, chapeau bas, Mr. Niccol !), le genre de pitch dont j'aurais adoré être l'heureuse créatrice. Voyez plutôt : dans un monde (vaguement) futuriste, le temps a remplacé l'argent. La monnaie courante est désormais le temps de vie des hommes, qui est indiqué par un compte à rebours lumineux implanté sur leur avant-bras. On gagne, donne, vole ou dépense du temps, on paye son café, ses vêtements et son loyer en années, jours, heures et minutes. Évidemment, si le compteur lumineux atteint le zéro, on meurt de façon foudroyante ; mais autrement, notre organisme ne vieillit pas au-delà de 25 ans. À l'image de nombreuses dystopies, le film présente un univers profondément inégalitaire : les villes sont divisées en "Time Zones", dans lesquelles les riches, avec leurs milliers d'années en réserve, vivant dans l'abondance et le luxe tandis que les pauvres survivant au jour le jour dans des ghettos mal famés, tentant désespérément de gagner suffisamment de temps pour pouvoir vivre jusqu'au lendemain. Le bon fonctionnement de cette société est assuré par les "Timekeepers", sorte de police/milice veillant à ce que chacun reste à sa place sans mettre en péril le bon "cours du temps".
Dans ce contexte peu réjouissant, on suit le parcours du jeune Will Salas (Justin Timberlake), vivant dans un ghetto avec sa mère Rachel (Olivia Wilde). Un soir, Will rencontre Henry Hamilton (Matt Bomer), un homme âgé de 105 ans venu des zones riches, et qui possède encore des milliers d'années sur son compteur. Hamilton lui apprend qu'en réalité, il y a suffisamment d'années en circulation pour que tous les hommes puissent vivre une vie normale ; mais les "riches" augmentent régulièrement les prix et les taxes dans les ghettos, s'en mettant plein les poches pendant que les plus pauvres meurent... Une machination économique indispensable, car, comme le souligne Hamilton : si tout le monde vivait éternellement, où mettrions-nous tous ces gens ? "For a few to be immortal, many must die.", tel est le credo des dirigeants de cet univers. Lorsque Will, par un concours de circonstances, va soudain se retrouver avec un siècle entier sur les bras (littéralement !), il quittera le ghetto pour aller goûter aux joies du luxe dans les zones fortunées - et avec la ferme intention de révolutionner le système afin de venger la mort de sa mère, survenue un peu plus tôt. Là, il rencontre Sylvia Weis (Amanda Seyfried), fille du millionnaire Philippe Weis (Vincent Kartheiser), avec laquelle il ne tardera pas à partir en vadrouille. Poursuivis sans relâche par le Timekeeper Raymond Leon (Cillian Murphy), Will et Sylvia vont tenter de combattre l'injustice pesant sur leur société...
Bref, un concept de base qui frise l'orgasme scénaristique (avec le fameux dicton "Le temps, c'est de l'argent", pourquoi diantre personne n'y avait-il pensé plus tôt ?!) et qui aurait pu être à l'origine d'un vrai chef-d'œuvre. Là où In Time peu décevoir, c'est que passée la première demi-heure qui met efficacement en place les différents aspects socio-politiques de cette société futuriste, le film se concentre davantage sur l'action pure et la quête Robin-des-Bois-eque des deux protagonistes (Will et Sylvia, arme au poing, vont faire tout leur possible pour redistribuer le temps de facon équitable) que sur le contexte pourtant fascinant dans lequel ils évoluent. Certes, on nous en montre certains détails intéressants, comme l'égoïsme hallucinant mais compréhensible dû à une pauvreté menacant littéralement la vie - voir la scène où la mère de Will, dont le compteur est presque arrivé à zéro, se voit refuser froidement l'aide de tous ceux qu'elle supplie de lui donner quelques minutes de leur temps -, ou la quasi-impossibilité d'échapper à sa condition sociale (simplement pour accéder aux Time Zones les plus riches, il faut débourser une somme qu'aucun habitant des ghettos ne peut rêver obtenir un jour). Mais avec une idée pareille, on regrette que les enjeux économiques et humains ne soient pas développés plus en profondeur, ou parfois avec plus de réalisme - comme cette scène où Will et Sylvia confient un million d'années à une petite fille et que tous les occupants du ghetto, sages commes des images, font la queue devant elle pour venir chercher leur quota de temps. Étant donnée la situation, on imagine aisément que l'enfant aurait vite été piétinée et massacrée par une foule violente où chacun tenterait d'en avoir plus que les autres.
Côté personnages, Will et Sylvia forment un duo efficace, même si relativement classique dans ce genre de film. Will, d'abord docile et peu préoccupé par les aberrations du système économique qu'il subit, va peu à peu prendre conscience des magouilles financières qui l'entourent et se rebeller contre l'ordre établi. Sylvia va elle aussi évoluer au cours du film, sortant pour la première fois de sa cage dorée pour découvrir la misère du monde qui l'entoure et se dresser contre son père, riche homme d'affaires égoïste et sans pitié qui pense sincèrement agir pour le plus grand bien de l'humanité. Le personnage d'Henry Hamilton est intéressant, mais disparaît rapidement, servant avant tout de déclencheur à la "révolution" de Will. Mais c'est Raymond Leon, le Timekeeper brilliamment interprété par le toujours excellent (et toujours aussi beau) Cillian Murphy, qui est finalement le meilleur personnage de In Time : un flic futé et incorruptible qui détient certes le rôle de bad guy du film, mais qui est en réalité bien plus complexe et pas si méchant que ça. Dommage qu'il ait droit à une scène finale bien en-deçà de ce que l'on pouvait espérer pour le personnage...
Les acteurs, eux, sont dans l'ensemble tout à fait convaincants. Justin Timberlake m'a agréablement surprise, jouant Will Salas avec une nonchalance et un charisme auquels je ne m'attendais pas. Cillian Murphy, répétons-le, est parfait, comme à son habitude (même s'il a quelque peu dépassé la barre des 25 ans que se sont fixée les directeurs de casting...) ; Amanda Seyfried est fidèle à elle-même, convenable sans être exeptionnelle, mais formant avec Timberlake une alchimie qui fonctionne plutôt bien. Mention spéciale à Vincent Kartheiser, qui interprète fort bien un Philippe Weis faussement sympathique et glacial, ainsi qu'au Britannique Alex Pettyfer, qui surmonte ici son image de "beau gosse" pour livrer une belle performance en tant que Fortis, voyou des ghettos qui n'hésite pas à tuer pour récupérer quelques minutes à droite et à gauche.
La mise en scène est assez basique, sans rien de bien passionnant au niveau du montage ou des cadrages (sans originalité et typiques des films d'action). On trouve cependant de très belles ambiances colorées et lumineuses, avec une photographie travaillée et des couleurs vives qui changent de l'habituelle atmosphère froide et bleutée inhérente à la science-fiction. Le travail sur les décors, en revanche, est excellent. Visuellement, l'univers de In Time n'a rien de futuriste et paraît de ce fait extrêmement réaliste, loin des décors aseptisés et high-tech propres à la S-F. Les ghettos, avec leurs ruelles délabrées aux façades colorées, rappellent les villes pauvres d'Afrique ou d'Amérique du Sud, sans trop pousser à l'extême leur aspect misérable. Les zones riches, elles, ressemblent simplement aux quartiers huppés de New York, avec gratte-ciels géants et voitures de luxe. L'architecture des décors est sobre et efficace et nous permet de nous plonger réellement dans ce monde, avec quelques séquences fascinantes comme celle où Will traverse toutes les Time Zones en voiture, quittant son ghetto pour se rendre dans la zone la plus riche : on suit son parcours à travers les "postes-frontière" de chaque zone, de plus en plus imposants et luxueux, immenses ponts et colonnes de béton gris rappelant fortement la Russie soviétique des années 1960.
De la même manière, les costumes paraissent sortis de notre propre monde, avec quelques altérations légères qui les différencient de la mode contemporaine ; ici encore, les inégalités entre les zones riches et pauvres sont suggérées sans tomber dans la caricature. Toutes les femmes du film ne se baladent qu'en mini-robe haute couture et en talons aiguilles de 15 cm, ce qui peut sembler ridicule au premier abord (surtout quand il s'agit de courir sur des kilomètres et de grimper sur les toits des immeubles - je salue la prouesse d'Amanda Seyfried d'avoir réussi à ne pas se casser les deux chevilles dès le premier jour de tournage), mais évidemment, dans un monde où tous gardent éternellement le physique de leurs 25 ans, il est concevable que le diktat de la beauté et de la sexitude (c'est pas moi c'est Ségolène) soit de rigueur...
Dans l'ensemble, le style visuel du film mise sur la simplicité, limitant au maximum les objets futuristes et les effets spéciaux (sauf les gros plans abondants sur les implants-chronomètre sur l'avant-bras !) et lui donnant un réalisme presque actuel, chose rare dans le genre de la science-fiction. La musique, comme la mise en scène, est sans surprise, correspondant au registre du film d'action : musique de film "traditionnelle" aux accents parfois électro, à laquelle sont ajoutés deux ou trois chansons utilisées en guise de musique diégétique, dont le très bon In a Manner of Speaking du groupe français Nouvelle Vague. Le travail sur le son, comme celui sur ll'image, est sobre et discret, sans essayer de "faire futuriste", avec un bruitage plutôt bien trouvé pour accompagner les plans sur les compteurs de temps.
In Time est donc un thriller d'action qui aurait été banal s'il n'était pas centré autour d'un concept génial ; à défaut d'explorer avec suffisamment d'insistance tous les thèmes sociaux, politiques et économiques liés à la question du temps en tant que devise officielle, Andrew Niccol nous sert tout de même un film divertissant mettant en place un univers complet et crédible dans un style soigné.
C'est ce qui m'est arrivé pour In Time (titre dont la "traduction" française, au passage, est strictement contradictoire et de surcroît inutile : si c'est pour garder un titre anglais, pourquoi le changer en premier lieu ?!). Après en avoir vu la bande-annonce et lu le synopsis - et en ma qualité de fan de science-fiction dystopique, dont In Time promettait d'être un bel exemple -, j'étais entrée dans la salle de cinéma avec des attentes précises concernant le film, et le fait que je n'aie pas reçu ce à quoi je m'attendais a commencé par me frustrer. (D'ailleurs, si j'avais écrit cette critique à chaud juste après la séance, elle n'aurait probablement pas été aussi enthousiaste.) Malgré tout, un certain nombre d'éléments m'avaient fascinée, et j'ai décidé de revoir le film, cette fois en connaissance de cause. Et c'est à cette seconde projection que j'ai décidé qu'en fin de compte, Andrew Niccol (qui avait déjà réalisé Lord of War et Gattaca) avait tout de même fait du bon boulot.
Il faut dire que le cinéaste partait muni d'un concept absolument génial (d'autant plus louable que pour une fois, il s'agissait d'une idée 100% originale* et non d'une adaptation de roman, d'une suite ou d'un remake ; sur ce point, chapeau bas, Mr. Niccol !), le genre de pitch dont j'aurais adoré être l'heureuse créatrice. Voyez plutôt : dans un monde (vaguement) futuriste, le temps a remplacé l'argent. La monnaie courante est désormais le temps de vie des hommes, qui est indiqué par un compte à rebours lumineux implanté sur leur avant-bras. On gagne, donne, vole ou dépense du temps, on paye son café, ses vêtements et son loyer en années, jours, heures et minutes. Évidemment, si le compteur lumineux atteint le zéro, on meurt de façon foudroyante ; mais autrement, notre organisme ne vieillit pas au-delà de 25 ans. À l'image de nombreuses dystopies, le film présente un univers profondément inégalitaire : les villes sont divisées en "Time Zones", dans lesquelles les riches, avec leurs milliers d'années en réserve, vivant dans l'abondance et le luxe tandis que les pauvres survivant au jour le jour dans des ghettos mal famés, tentant désespérément de gagner suffisamment de temps pour pouvoir vivre jusqu'au lendemain. Le bon fonctionnement de cette société est assuré par les "Timekeepers", sorte de police/milice veillant à ce que chacun reste à sa place sans mettre en péril le bon "cours du temps".
Will Salas (Justin Timberlake)
Dans ce contexte peu réjouissant, on suit le parcours du jeune Will Salas (Justin Timberlake), vivant dans un ghetto avec sa mère Rachel (Olivia Wilde). Un soir, Will rencontre Henry Hamilton (Matt Bomer), un homme âgé de 105 ans venu des zones riches, et qui possède encore des milliers d'années sur son compteur. Hamilton lui apprend qu'en réalité, il y a suffisamment d'années en circulation pour que tous les hommes puissent vivre une vie normale ; mais les "riches" augmentent régulièrement les prix et les taxes dans les ghettos, s'en mettant plein les poches pendant que les plus pauvres meurent... Une machination économique indispensable, car, comme le souligne Hamilton : si tout le monde vivait éternellement, où mettrions-nous tous ces gens ? "For a few to be immortal, many must die.", tel est le credo des dirigeants de cet univers. Lorsque Will, par un concours de circonstances, va soudain se retrouver avec un siècle entier sur les bras (littéralement !), il quittera le ghetto pour aller goûter aux joies du luxe dans les zones fortunées - et avec la ferme intention de révolutionner le système afin de venger la mort de sa mère, survenue un peu plus tôt. Là, il rencontre Sylvia Weis (Amanda Seyfried), fille du millionnaire Philippe Weis (Vincent Kartheiser), avec laquelle il ne tardera pas à partir en vadrouille. Poursuivis sans relâche par le Timekeeper Raymond Leon (Cillian Murphy), Will et Sylvia vont tenter de combattre l'injustice pesant sur leur société...
Bref, un concept de base qui frise l'orgasme scénaristique (avec le fameux dicton "Le temps, c'est de l'argent", pourquoi diantre personne n'y avait-il pensé plus tôt ?!) et qui aurait pu être à l'origine d'un vrai chef-d'œuvre. Là où In Time peu décevoir, c'est que passée la première demi-heure qui met efficacement en place les différents aspects socio-politiques de cette société futuriste, le film se concentre davantage sur l'action pure et la quête Robin-des-Bois-eque des deux protagonistes (Will et Sylvia, arme au poing, vont faire tout leur possible pour redistribuer le temps de facon équitable) que sur le contexte pourtant fascinant dans lequel ils évoluent. Certes, on nous en montre certains détails intéressants, comme l'égoïsme hallucinant mais compréhensible dû à une pauvreté menacant littéralement la vie - voir la scène où la mère de Will, dont le compteur est presque arrivé à zéro, se voit refuser froidement l'aide de tous ceux qu'elle supplie de lui donner quelques minutes de leur temps -, ou la quasi-impossibilité d'échapper à sa condition sociale (simplement pour accéder aux Time Zones les plus riches, il faut débourser une somme qu'aucun habitant des ghettos ne peut rêver obtenir un jour). Mais avec une idée pareille, on regrette que les enjeux économiques et humains ne soient pas développés plus en profondeur, ou parfois avec plus de réalisme - comme cette scène où Will et Sylvia confient un million d'années à une petite fille et que tous les occupants du ghetto, sages commes des images, font la queue devant elle pour venir chercher leur quota de temps. Étant donnée la situation, on imagine aisément que l'enfant aurait vite été piétinée et massacrée par une foule violente où chacun tenterait d'en avoir plus que les autres.
Sylvia Weis (Amanda Seyfried)
Côté personnages, Will et Sylvia forment un duo efficace, même si relativement classique dans ce genre de film. Will, d'abord docile et peu préoccupé par les aberrations du système économique qu'il subit, va peu à peu prendre conscience des magouilles financières qui l'entourent et se rebeller contre l'ordre établi. Sylvia va elle aussi évoluer au cours du film, sortant pour la première fois de sa cage dorée pour découvrir la misère du monde qui l'entoure et se dresser contre son père, riche homme d'affaires égoïste et sans pitié qui pense sincèrement agir pour le plus grand bien de l'humanité. Le personnage d'Henry Hamilton est intéressant, mais disparaît rapidement, servant avant tout de déclencheur à la "révolution" de Will. Mais c'est Raymond Leon, le Timekeeper brilliamment interprété par le toujours excellent (et toujours aussi beau) Cillian Murphy, qui est finalement le meilleur personnage de In Time : un flic futé et incorruptible qui détient certes le rôle de bad guy du film, mais qui est en réalité bien plus complexe et pas si méchant que ça. Dommage qu'il ait droit à une scène finale bien en-deçà de ce que l'on pouvait espérer pour le personnage...
La mise en scène est assez basique, sans rien de bien passionnant au niveau du montage ou des cadrages (sans originalité et typiques des films d'action). On trouve cependant de très belles ambiances colorées et lumineuses, avec une photographie travaillée et des couleurs vives qui changent de l'habituelle atmosphère froide et bleutée inhérente à la science-fiction. Le travail sur les décors, en revanche, est excellent. Visuellement, l'univers de In Time n'a rien de futuriste et paraît de ce fait extrêmement réaliste, loin des décors aseptisés et high-tech propres à la S-F. Les ghettos, avec leurs ruelles délabrées aux façades colorées, rappellent les villes pauvres d'Afrique ou d'Amérique du Sud, sans trop pousser à l'extême leur aspect misérable. Les zones riches, elles, ressemblent simplement aux quartiers huppés de New York, avec gratte-ciels géants et voitures de luxe. L'architecture des décors est sobre et efficace et nous permet de nous plonger réellement dans ce monde, avec quelques séquences fascinantes comme celle où Will traverse toutes les Time Zones en voiture, quittant son ghetto pour se rendre dans la zone la plus riche : on suit son parcours à travers les "postes-frontière" de chaque zone, de plus en plus imposants et luxueux, immenses ponts et colonnes de béton gris rappelant fortement la Russie soviétique des années 1960.
Timekeeper Raymond Leon (Cillian Murphy)
De la même manière, les costumes paraissent sortis de notre propre monde, avec quelques altérations légères qui les différencient de la mode contemporaine ; ici encore, les inégalités entre les zones riches et pauvres sont suggérées sans tomber dans la caricature. Toutes les femmes du film ne se baladent qu'en mini-robe haute couture et en talons aiguilles de 15 cm, ce qui peut sembler ridicule au premier abord (surtout quand il s'agit de courir sur des kilomètres et de grimper sur les toits des immeubles - je salue la prouesse d'Amanda Seyfried d'avoir réussi à ne pas se casser les deux chevilles dès le premier jour de tournage), mais évidemment, dans un monde où tous gardent éternellement le physique de leurs 25 ans, il est concevable que le diktat de la beauté et de la sexitude (c'est pas moi c'est Ségolène) soit de rigueur...
In Time est donc un thriller d'action qui aurait été banal s'il n'était pas centré autour d'un concept génial ; à défaut d'explorer avec suffisamment d'insistance tous les thèmes sociaux, politiques et économiques liés à la question du temps en tant que devise officielle, Andrew Niccol nous sert tout de même un film divertissant mettant en place un univers complet et crédible dans un style soigné.
*Il y a tout de même eu une petite polémique quant à l'originalité du scénario de Niccol : en effet, il présenterait un certain nombre de similitudes avec la nouvelle intitulée "Repent, Harlequin !" Said the Ticktockman, écrite par Harlan Ellison en 1965 (notamment l'idée que chacun dispose d'une "somme" de temps que l'on peut lui enlever, ainsi que la présence d'une autorité nommée les Timekeepers). En 2011, Ellison avait porté plainte contre Andrew Niccol pour plagiat, avant de se raviser après avoir vu In Time. Il s'était alors contenté d'exiger la mention de son nom au générique, mais a finalement abandonné toutes les poursuites. Le réalisateur et lui auraient conclu le problème à l'amiable.
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