3 septembre 2010

Innocents


Titre original : The Dreamers
Réalisateur : Bernardo Bertolucci
Avec : Eva Green, Louis Garrel, Michael Pitt, Robin Renucci...
Date de sortie : 2003
Pays : France, USA, Italie
Note : ♥♥♥♥♥

Innocents (titre, comme souvent, très mal traduit) est un film adapté du roman de Gilbert Adair, réalisé par le cinéaste Bernardo Bertolluci (connu pour son Dernier Tango à Paris, qui fit scandale à sa sortie en 1972, son Novecento - 1900 en 1976 ou son Dernier Empereur en 1987).

L'intrigue du film se déroule à Paris, en 1968, juste avant les grands chamboulements du mois de mai. Isabelle (Eva Green) et Théo (Louis Garrel) ont 19 ans, ils sont jumeaux et vivent avec leurs parents dans un immense et luxueux appartement. Lors d'une manifestation à la Cinémathèque Française, ils font la connaissance de Matthew (Michael Pitt), un Américain de leur âge venu passer un an d'études France. Liés par leur amour du cinéma, ils sympathisent avec lui et l'invitent à loger dans leur appartement, désertés par les parents partis en vacances.

Entre les quatre murs de l'appartement, Matthew va entrer dans l'intimité trouble des jumeaux. Isabelle et Théo dorment nus dans le même lit, serrés l'un contre l'autre. Prétendent qu'ils s'aiment et ne se sépareront jamais. Jouent à un jeu consistant à mimer des scènes de films connus, et à en faire deviner le titre à l'autre.  Vivent totalement à l'écart du monde extérieur et de la révolte qui gronde. L'Américain, candide et peu expérimenté, sera peu à peu entraîné dans le monde infantile, naïf et auto-destructeur des jumeaux, et par la même occasion dans un étrange ménage à trois... Au bout du compte, les trois "rêveurs" finiront pas être rattrapés par la réalité, et leur vie changera pour toujours.

Comme l'avait fait Le Dernier Tango à Paris à l'époque, Innocents a choqué à sa sortie, pourtant très récente. Bertolucci ne cherche pas à échapper à la censure, montrant de façon très voyeuriste ce qui se trame dans l'appartement - les ébats d'Isabelle et de Matthew, leurs ébats à trois, la nudité frontale dans de nombreuses scènes. Le cinéaste inclut totalement le spectateur dans le huis-clos de l'appartement, nous permettant d'assister à l'intégralité de ce que vivent les jumeaux et leur invité, coupés du monde, perdus dans leur jeux et leurs rêves. Isabelle et Théo entraînent leur ami dans leurs jeux pervers et sexuels, que l'on découvre parallèlement à ce dernier.

Les trois acteurs principaux sont saisissants de crédibilité et de naturel. Eva Green et Louis Garrel parviennent à rendre évidente la relation malsaine et complexe qu'ont développée les deux jumeaux entre eux. Michael Pitt (dont le rôle devait d'abord être interprété par Leonardo DiCaprio !) joue à la perfection son rôle de touriste candide et mal à l'aise dans l'univers sensuel et enfantin dans lequel il est entraîné malgré lui, entre amour, fascination et dégoût. Le film a été tourné en français et en anglais, ajoutant au réalisme et permettant de marquer la barrière qui sépare les jumeaux (qui parlent français entre eux) et Matthew - avec lequel ils s'expriment en anglais. Matthew ne comprend pas le français, et est ainsi exclus des discussions trop intimes entre les jumeaux.

La photographie, comme toujours chez Bernardo Bertolucci, est impeccablement travaillée, et chaque plan du film pourrait être pris à part et analysé pendant des heures, pour ses qualités esthétiques et narratives. La bande originale, magistrale, mélange des artistes des années 60 (Janis Joplin, Jimmi Hendrix...), de la chanson française (Édith Piaf, Françoise Hardy...) et des musiques des vieux films que le trio affectionne tant.

À la manière d'un Tarantino, Bertolucci manifeste son amour du cinéma à travers de très nombreux hommages et références plus ou moins explicites : lorsque les jumeaux jouent à leur jeu de "Devine quel film je mime", il mélange les images d'Isabelle ou Théo à celles, authentiques, tirées du film qu'ils essayent de reproduire. On retrouve ainsi Eva Green imitant Greta Garbo dans La Reine Christine ou Jean Seberg dans À Bout de Souffle, et Théo mimant Paul Muni dans Scarface.

Le réalisateur inclut également des vrais extraits de film lorsque les personnages parlent desdits films (ainsi Les Lumières de la Ville ou Freaks), ou lorsque Isabelle, Théo et Matthew parcourent le musée du Louvre en courant, essayant de vaincre le record de 9 minutes et 43 secondes du film Bande à Part, où les trois protagonistes faisaient la même chose... Les spectateurs cinéphiles prendront donc plaisir à tenter d'identifier les innombrables références visuelles, sonores (extraits de musique de films) ou basées sur les dialogues (à l'image de la scène où les jumeaux scandent "We  accept him, one of us !" phrase répétée dans le film Freaks à plusieurs reprises) faites aux films des années 20 à 50.

Un excellent film, que ce soit au niveau du casting, de la photographie, du scénario ou de la réalisation. À voir pour tous les passionnés de cinéma, et tous les autres.

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