15 juillet 2012

Less Than Zero


Titre original : Less Than Zero
Réalisateur : Marek Kanievska
Avec : Andrew McCarthy, Robert Downey Jr., Jami Gertz, James Spader...
Date de sortie : 1987
Pays : USA
Note : ♥♥

"Well, you're fucked up, you look like shit, but hey, no problem, 
all you need is a better cut of cocaine." 

Less Than Zero est une adaptation (très libre) du premier roman de Bret Easton Ellis, paru en 1985. À première vue, le film ne me donnait pas particulièrement envie : un énième film sur la jeunesse américaine, à l'esthétique vieillotte qui fleure bon les eighties, le genre de film dont on a l'impression d'avoir déjà vu l'intrigue cinquante fois, le tout porté par des acteurs pas toujours talentueux et une bande originale souvent redoutable. Malgré tout, le nom de Easton Ellis et celui de Robert Downey Jr., toujours gage de qualité, m'ont convaincue d'y jeter un œil.

Le film suit le parcours d'un groupe de jeunes adultes à Los Angeles, tous issus de familles très aisées. Six mois après l'obtention du bac, Clay (Andrew McCarthy), désormais étudiant dans une université renommée, revient chez lui pour les vacances à la demande de Blair (Jami Gertz), sa petite amie. Celle-ci s'inquiète pour Julian (Robert Downey Jr.), leur ami d'enfance et avec qui Blair a eu une liaison, qui a de sérieux problèmes de drogue. On suit la progression dans la déchéance la plus totale de Julian dans la dépendance, les problèmes d'argent et la prostitution, l'impuissance du sage et raisonnable Clay à le sortir d'affaire, et l'ambivalence du personnage de Blair, apprentie mannequin flirtant elle aussi avec l'addiction à la cocaïne sans vouloir l'admettre.

 Blair (Jami Gertz)

Un scénario classique, en somme, qui ne présente pas de grande originalité (si ce n'est le fait que cette fois, les jeunes à problèmes sont issus de la haute bourgeoisie, et non des quartiers populaires). Tout l'intérêt du film réside dans son traitement visuel et sonore, et sa narration hors normes, loin de ces films des années 1980 produits à la pelle sur un éternel même schéma.

Le rythme du film, lent et lancinant, quasiment dépourvu d'action (mais jamais ennuyeux pour autant), retranscrit l'errance sans but des personnages, des parties huppées dans leurs somptueuses villas de Beverly Hills aux fins de soirées dans des diners déserts, en passant par des virées en corvettes étincelantes. Les scènes de jour et d'extérieur sont rares, le réalisateur préférant enfermer ses héros - et le spectateur avec - dans l'atmosphère poisseuse des boîtes de nuit bondées et enfumées, des stations-services glauques ou des routes à l'éclairage blafard.

Clay (Andrew McCarthy)

Visuellement, Less Than Zero est sublime. Chaque plan, ultra-travaillé, est baigné de couleurs vives et artificielles, du rose bonbon au mauve en passant par le vert pomme, dans une esthétique tenant tantôt du cinéma de Wong Kar-Wai, tantôt des photographies d'Erwin Olaf ou encore des tableaux d'Edward Hopper. Les décors et costumes sont kitsch et luxueux (robes à paillettes, sapins de Noël roses vif, vastes piscines privées turquoises...) et contrastent avec la déchéance et l'univers des plus sombres dans lesquels s'enfoncent les protagonistes. La musique est quasi-omniprésente dans tout le film, et le plus souvent diégétique, servant de fond sonore aux (nombreuses) séquences se déroulant en boîte de nuit. Le choix des chansons est excellent et offre au film son identité eighties.

Le jeu d'acteur, lui aussi, est irréprochable. Andrew McCarthy est parfait dans le rôle de l'étudiant propre sur lui et candide, entraîné dans un monde auquel il n'appartient pas. La performance de Jami Gertz est étrange, déroutante au premier abord (au point d'être vertement critiquée par certains critiques), mais néanmoins excellente ; elle parvient totalement à donner vie à la personnalité complexe et tourmentée de Blair. Le visage pâle, hagard et couvert de sueur, Robert Downey Jr. est comme toujours impressionnant de justesse et de naturel - le rôle de Julian Wells (qui lui a valu la reconnaissance des critiques et du public) lui va comme un gant, d'autant plus qu'à cette époque, l'acteur menait une existence proche de celle de son personnage, entre drogue, alcool et autres excès. Jeune homme en réaction contre sa famille et son environnement aisé et étriqué, le Julian de Downey Jr. n'est pas sans rappeler le James Dean de La Fureur de Vivre... Pour finir, James Spader joue à la perfection le personnage de Rip, le dealer de Julian, d'abord sympathique et serviable, puis glacial et manipulateur lorsque la situation se dégrade.

Julian (Robert Downey Jr.)

Désespérément noir et sans issue sous les paillettes et la musique disco, Less Than Zero est une lente progression vers l'inévitable, qui se manifeste lors d'une magnifique séquence finale dans laquelle l'immensité du désert californien, baigné dans une lumière chaude à la Sofia Coppola, vient s'opposer aux espaces confinés. Au bout de cette inéluctable descente aux enfers à l'ambiance éthérée, on repense à l'ironie des premières phrases du film, prononcées lors de la remise des diplômes du bac, en voix-off pendant l'apparition du titre : "Good luck, good life. I wish you all the health, prosperity and happiness you desire." ("Bonne chance, belle vie. Je vous souhaite toute la santé, la prospérité et le bonheur que vous désirez.") Rien de tout cela pour les personnages du film, juste "less than zero"...

Un très bon film sur l'existence futile et superficielle de la jeunesse dorée des années 1980, visuellement magnifique, et porté par un quatuor d'excellents acteurs. On ressort de Less Than Zero avec une drôle d'impression de vide, et l'envie de se replonger aussitôt dans son univers beau et lancinant... Dur, déprimant, mais à voir !

14 juillet 2012

Sherlock Holmes - Jeu d'Ombres


Titre original : Sherlock Holmes - A Game of Shadows
Réalisateur : Guy Ritchie
Avec : Robert Downey Jr., Jude Law, Noomi Rapace, Jared Harris...
Date de sortie : 2012
Pays : USA
Note : ♥♥♥♥

"Come on... Come on, I know you can hear me, you selfish bastard !"

"Case re-opened." C'est sur ces mots que se terminait le premier opus du Sherlock Holmes de Guy Ritchie, sorti en 2009. Le film, même si son intrigue principale était résolue, laissait la porte grande ouverte à une possible suite : le personnage mystérieux du professeur Moriarty, l'un des plus célèbres bad guys de la littérature. Il était alors vaguement présenté comme l'employeur d'Irene Adler, apparaissant uniquement sous forme de silhouette, de manière très secondaire mais néanmoins intrigante.

Il paraissait donc naturel que ce deuxième épisode des aventures de Sherlock Holmes se concentre sur le fameux professeur, dont les manigances étaient restées en suspens. Dans A Game of Shadows, Holmes (Robert Downey Jr.) se retrouve donc à devoir démêler une trouble affaire de guerre, d'attentats et de conspiration internationale orchestrée par James Moriarty (Jared Harris). Le Dr. John Watson (Jude Law), de son côté, est sur le point d'épouser Mary (Kelly Reilly) quittant ainsi définitivement le 221b, Baker Street et les enquêtes de son collègue ; mais les événements vont évidemment en décider autrement, et voilà Holmes et Watson lancés dans une nouvelle aventure, aux côtés de la jeune gitane Simza (Noomi Rapace).

L'intrigue, comme dans le premier film, est complexe et difficilement résumable. Comme pour Sherlock Holmes premier du nom, il m'a fallu voir le film deux fois pour saisir pleinement toutes les ramifications du scénario. Mais finalement, au-delà de l'idée générale (conquête du monde, tout ça...), l'histoire en elle-même importe peu : en effet, on se concentre moins sur l'intrigue que sur les personnages, qui font encore une fois tout le sel du film. Holmes et Watson s'adorent autant qu'ils s'exaspèrent mutuellement, et cette alchimie explosive tisse le fil rouge du film, soutenue par des dialogues rythmés, drôles et percutants. 

Watson (Jude Law) et Holmes (Robert Downey Jr.)

Parmi les personnages secondaires, on peut éventuellement regretter que celui de Simza ne soit pas davantage développé, tout en félicitant les scénaristes d'avoir évincé du film toute forme d'histoire d'amour (ça change, et ça fait du bien...). Irene Adler (Rachel McAdams) apparaît seulement quelques minutes au début du film, ce qui n'est pas pour me déplaire (la performance de l'actrice m'avait tapé sur les nerfs dans le premier épisode). A Game of Shadows marque aussi l'entrée en scène de Mycroft Holmes, frère aîné de Sherlock, interprété par Stephen Fry. Malheureusement, le personnage est presque exclusivement utilisé à des fins comiques, et n'est pas exploité à la hauteur de son intérêt potentiel.

Côté méchants, James Moriarty occupe une place de choix, génialement doucereux, pervers et sadique derrière ses airs affables. Il est secondé par le colonel Sebastian Moran (Paul Anderson), son bras droit, homme de l'ombre fascinant, stoïque et obéissant. On se régale de voir enfin en chair et en os le célèbre Moriarty, ennemi mythique de Sherlock Holmes, davantage à la hauteur des talents du détective que le bad guy du premier film, Lord Blackwood.

Dans son traitement, le film est plus sombre que son prédécesseur. Si l'humour est toujours très présent - notamment dans ses brillants dialogues -, les enjeux et les risques ont monté d'un cran, et le scénario se déroule en conséquence (attentats terroristes, guerre mondiale, exécutions, suicides, séance de torture en bonne et due forme sont au programme). Pour la première fois, Holmes trouve en Moriarty un égal, et exceptionnellement, la situation lui échappe. Cette idée d'imprévisibilité se traduit habilement par la façon dont sont chorégraphiés les combats : comme dans le premier film, on anticipe le déroulement de ceux-ci à travers les pensées de Holmes, sauf que cette fois-ci, il y a toujours une différence entre ses prévisions et la réalité qui s'ensuit. Le film joue constamment sur cette notion d'incapacité à contrôler les événements, qui rend le scénario excitant car à l'issue incertaine. 

 Holmes et Moriarty (Jared Harris)

Dans cette même perspective, Guy Ritchie s'amuse à jouer avec les sentiments du spectateur, le faisant régulièrement basculer du rire à l'angoisse et vice-versa (voir la scène dans le train de marchandises, où Watson ranime Holmes après que celui-ci ait passé un mauvais quart d'heure aux mains de Moriarty...). Du sang, de la sueur et des larmes, il y en a à volonté, mais le réalisateur prend soin d'interrompre les moments dramatiques avec un jet d'humour libérateur.

Visuellement, on retrouve l'univers monochrome, sombre et poisseux, à l'ambiance steampunk, du Londres victorien aux ruelles sordides et pluvieuses. Mais le film ne se cantonne pas à l'Angleterre, et nous emmène également à Paris, à Strasbourg et en Suisse, avec quelques scènes tournées dans de grandioses paysages montagneux qui rappellent presque la Nouvelle-Zélande façon Seigneur des Anneaux. Par ailleurs, le réalisateur joue plus que jamais avec les ralentis/accélérés de l'image qui font l'identité visuelle des films, procurant un fort dynamisme aux scènes d'action (comme cette longue course-poursuite en forêt). Les effets visuels et la photographie sont convaincants, avec quelques très belles scènes, notamment celle de la confrontation finale, sous la neige, aux chutes du Reichenbach.

 Simza (Noomi Rapace) et Holmes

Le casting est impeccable, avec une brochette de très bons acteurs qui s'en donnent visiblement à cœur joie. Robert Downey Jr. est parfait dans le rôle de Sherlock Holmes, dans son génie comme son excentricité et ses excès. Jude Law fait un excellent Watson, et l'on se réjouit de voir son personnage particulièrement étoffé dans ce nouvel opus, cessant d'être le simple faire-valoir de Holmes pour devenir un héros à part entière. La Suédoise Noomi Rapace (la Lisbeth Salander de Millénium) est tout à fait crédible dans le rôle de la gitane française, et Jared Harris livre une performance mémorable en Moriarty, glacial et mielleux. Seule ombre au tableau : Kelly Reilly, qui ne semble pas très à l'aise dans le rôle de Mary Morstan, l'épouse de Watson, et dont le jeu manque parfois de naturel. (Et Rachel McAdams, toujours aussi irritante dans le rôle d'Irene Adler, mais qu'on ne voit heureusement pas beaucoup.)

La musique du film, quant à elle, est hétéroclite, et mélange encore une fois les sonorités typiquement "Hans-Zimmeriennes" et des accents folkloriques et pittoresques. Une scène est accompagnée par une musique d'Ennio Morricone, tirée d'un western de Clint Eastwood. À cette bande originale s'ajoutent plusieurs morceaux classiques (des extraits de Don Giovanni de Mozart, une valse de Strauss...), et le fameux Die Forelle de Schubert (la chanson qu'on a tous chantée en cours de musique au collège...), dont l'air guilleret perd ici toute sa légèreté et devient à Sherlock Holmes ce que Singin' in the Rain est à Orange Mécanique : impossible de l'écouter désormais sans penser aux atrocités qui l'accompagnent dans le film !

A Game of Shadows est donc une suite efficace et divertissante au premier Sherlock Holmes de Guy Ritchie, réunissant tous les ingrédients qui faisaient le succès du premier film tout en y ajoutant une touche de noirceur bienvenue, et un méchant mémorable. Un très bon cocktail d'aventure, de thriller et d'humour, servi par des acteurs au top... Et une fin ouverte qui, pour notre plaisir, sent encore une fois la suite à plein nez !

12 juillet 2012

Lili's Movies, version 2.0

Voilà, Lili's Movies s'est refait une beauté ! Après des années de fidélité à Canalblog, j'ai finalement trahi ma plateforme de prédilection pour m'installer chez le concurrent Google... Blogger apporte certaines fonctionnalités qui n'existent pas sur Canalblog, alors j'ai décidé de déménager Lili's Movies.

Le contenu entier du blog a été transféré ici, vous pourrez donc retrouver toutes les critiques archivées depuis le début. Par ailleurs, j'ai créé une page "Les dossiers ciné", dans laquelle vous trouverez des essais et analyses thématiques que j'ai écrites, le plus souvent pendant mes études de cinéma.

Pour fêter l'ouverture de ce tout nouveau blog, j'ai entièrement refait le design, et les critiques de films seront désormais agrémentées d'images.

Bienvenue !