3 décembre 2014

Martyrs


Réalisateur : Pascal Laugier
Avec : Mylène Jampanoï, Morjana Alaoui, Catherine Bégin...
Date de sortie : 2008
Pays : France / Québec
Note :

"Les martyrs sont des gens exceptionnels. Ils survivent à la douleur. 
Ils survivent à la privation la plus totale. Ils portent tous les péchés de la terre."

Avertissement : Les images et les propos constituant cette critique sont susceptibles de heurter la sensibilité de certains.

Il y a un certain temps que j'avais envie de rédiger une critique sur Martyrs, de Pascal Laugier. Mais je n'ai pas pu m'y résoudre jusqu'à présent, pour la bonne et simple raison que je ne voulais même pas relire le synopsis du film, ou repenser à ces images que j'aurais préféré ne jamais avoir vues. Voilà ce qu'est Martyrs pour moi : le seul film au monde que je regrette sincèrement d'avoir regardé, et l'un des très rares films où j'ai été obligée de détourner le regard, et de regarder (à moitié) certaines scènes en avance rapide. (Et je parle en tant que grande fan de cinéma d'horreur, habituée au gore et aux films qui dérangent. Donnez-moi du Hostel ou du Human Centipede sans problème. Mais Martyrs, non.)

C'est la raison pour laquelle vous ne trouverez pas dans cette critique les habituelles captures d'écran effectuées par mes soins, mais seulement les images plus ou moins "officielles" du film : je suis incapable de revoir ne serait-ce qu'une scène du film pour vous choisir des images, et je n'ose même pas taper "Martyrs" dans Google Images. J'ai trop peur de tomber sur certaines images que je n'ai aucune envie de revoir. (Et je n'exagère même pas.)

Alors, maintenant que je vous ai tous fait peur... De quoi ça parle ? C'est l'histoire de Lucie (Mylène Jampanoï) et Anna (Morjana Alaoui), deux jeunes femmes qui ont fait connaissance à l'orphelinat où elles ont grandi. Durant son enfance, Lucie a subi de graves sévices physiques et psychologiques aux mains d'un groupe de tortionnaires, avant de réussir à s'échapper. Devenue adulte, elle retrouve par hasard ceux qui l'ont maltraitée des années auparavant. Armée d'un fusil de chasse, elle se rend donc à leur domicile et les tue de sang-froid (mari, femme, et deux enfants). Après quoi elle appelle Anna à la rescousse pour l'aider à enterrer les corps. Mais Anna, bientôt livrée à elle-même, découvre que le cave de la maison abrite un culte secret de "martyrs" : dirigés par une vieille femme appelée Mademoiselle (Catherine Bégin), le groupe emprisonne et torture de jeunes femmes pour tenter de les mener jusqu'à la frontière de la vie et de la mort, dans un état d'"extase" qui leur permet de voir l'au-delà...

Lucie se demandant ce qu'elle est venue faire dans cette galère...

Voilà pour le scénario. En pratique, qu'est-ce que ça donne ? Du sang, du sang, du sang, de la violence, du sang. Pendant 1h40 non-stop. Avouez que ça fait long... Je n'arrive pas très bien à comprendre comment certains critiques peuvent nier le fait que Martyrs appartient au genre du "torture porn" (ces films comme la série Saw dont les scènes de torture et de gore extrême sont le seul prétexte, pour le plus grand plaisir (tordu) de certains spectateurs...). La torture et les sévices en tous genre sont omniprésents dans le film, au point qu'on en fait une réelle overdose. 

Depuis le début du film, nous voyons Lucie poursuivie par une sorte de créature Gollum-esque (en réalité une manifestation imaginaire de son subconscient), qui l'attaque, la taillade, la torture, nous offrant une bonne dose d'hémoglobine absolument pas nécessaire (on n'avait pas besoin de ça pour comprendre que Lucie était une espèce de psychopathe hautement perturbée...). Le meurtre de la famille à coup de fusil fait lui aussi gicler la cervelle au plafond. Puis vient la découverte des activités de la "secte" par Anna, et c'est là que Martyrs atteint un degré simplement insoutenable pour la pauvre spectatrice déjà écœurée que j'étais. On bat, on humilie, on torture – passe encore, ce sont presque des  "classiques" du film de genre. Mais voir Anna arracher des clous métalliques vissés dans le crâne d'une autre jeune femme, non. Voir Anna se faire écorcher vive des pieds à la tête (et survivre à l'intervention), certainement pas.

Anna, prisonnière par les membres du "culte"

Martyrs est-il le film le plus gore qu'il me soit arrivé de voir ? Peut-être pas. Mais le plus dérangeant, le plus insupportable ? Sans le moindre doute. Je serais incapable de décrire exactement pourquoi le film m'a atteinte à ce point ; quelque chose dans l'ambiance, dans le propos du réalisateur, m'a profondément perturbée. Je suis capable de supporter beaucoup de choses dans le cinéma d'horreur, mais là, décidément, c'est un visionnage dont je me serais bien passée.

Au niveau visuel, pas grand-chose à dire – la photographie du film est glauque, grisâtre, "sale", en adéquation avec l'histoire qu'il raconte. Le jeu des actrices est, à mon avis, loin d'être excellent, les deux jeunes femmes manquant parfois beaucoup de naturel (eh oui, pas si facile de hurler ou de pleurer pendant la totalité du film...). On s'identifie difficilement à leur personnages, et je n'ai pas réussi à éprouver une once d'empathie pour Anna et Lucie, au point de ne pas accorder d'importance à leur triste destinée.

Mademoiselle, le "gourou" de la secte

À sa sortie, Martyrs a reçu en France une interdiction aux moins de 18 ans, un rating extrêmement rare pour un film appartenant à un autre genre que la pornographie hardcore. Présenté en 2008 au Festival de Cannes, le film a suscité des réactions qui en disent long : de nombreux spectateurs sont sortis de la salle en cours de projection, et certains – selon la rumeur – auraient vomi, fondu en larmes ou fait un malaise. Et je les comprends. Moi aussi, le film a bien failli me rendre malade, littéralement : j'ai dû le mettre en pause pour me lever brusquement et me demander si j'allais devoir courir aux toilettes pour vomir. (C'était une très mauvaise idée que de regarder Martyrs en prenant mon déjeuner.)

Par conséquent, Martyrs est un film que je déconseille fortement. Certains y ont vu une œuvre d'art originale et efficace, film phare du sous-genre résolument choquant et transgressif  "New French Extremism" (en compagnie de films comme À l'Intérieur, Haute Tension ou Irréversible – dont aucun ne m'a fait l'effet de Martyrs). Je n'y ai vu qu'une accumulation de violence sanglante et malsaine, qui me font m'interroger sérieusement sur la santé mentale de M. Pascal Laugier.